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La double légitimité des « stars » : Idées de gauche et paillettes…

Des « personnalités » disent « stop au Hollande-bashing » (JDD du 19/11/2016)

Voici un exemple notable de confusion des esprits :
Des artistes, sportifs, personnalités diverses etc… nous gratifient d’une « déclaration » s’indignant contre le « Hollande-bashing ».
Mais que représentent ces gens ? Leur déclaration bénéficie de la super-médiatisation due à leur starisation. Est-ce-là leur légitimité ? Est-ce intéressant et intellectuellement pertinent de savoir que Juliette Binoche ou Catherine Deneuve, ou encore Agnès B défend le bilan de François Hollande ?
La déclaration énumère les prétendues victoires du quinquennat et décrète ex abrupto que François Hollande a une stature d’homme d’Etat. Mais à chaque énumération, il est possible de considérer qu’il ne s’agit pas là d’une réussite mais au contraire d’une erreur (comme les créations de poste dans l’Education Nationale) et qu’en fait de stature, on est en droit d’être circonspect.
Mais voilà… la société dans laquelle nous sommes est désormais envahie par la superficialité et la légitimité à paillettes… Eh bien, pour ma part, je considère que cette question est plus importante que celle du cantonnement du déficit budgétaire, de l’âge de la retraite ou du mariage des homosexuels. Pourtant, elle ne sera pas dans les programmes des candidats de 2017…

Que signifie l’élection de Donald Trump ?

L’élection de Donald Trump peut être lue de manière purement électoraliste, ainsi qu’au regard des peurs de la société. Mais ces commentaires passent désormais en boucle dans les médias. Il me semble bien inutile d’y ajouter quoi que ce soit. Ce serait de l’enfermement dogmatique… Peu importe donc les heureux et les malheureux qui se répandent sur les réseaux sociaux. Ils ne nous donnent rien de la réalité des mouvements de fond des sociétés occidentales.

Je vous propose deux articles qui essaient de prendre le champ nécessaire. C’est à une refondation philosophique que nous sommes appelés. Rien de moins…

Le premier est celui du sociologue canadien Mathieu Bock Côté publié dans le Figaro de mercredi 9 novembre et intitulé «La révolution Trump est une forme de référendum antisystème»

Le second est un article que j’ai fait paraître sur le site d’information Basting News, et intitulé « Election de Donald Trump : Une signification bien plus grande que sa dimension électorale« .

Bonne lecture.

Pourquoi je n’irai pas à « la marche républicaine »

Le drame des attentats contre Charlie Hebdo et contre le supermarché casher de la porte de Vincennes révolte la conscience. L’indignation qui en résulte est bien légitime. Que resterait-il d’humanité en nous, si nous n’éprouvions pas de répugnance face à un tel déferlement d’horreur ?

Il n’y a donc a priori que de bonnes raisons pour avoir envie d’extérioriser sur la place publique notre compassion devant l’abject et notre résolution à ne pas se résigner.

Sans doute. Pourtant, dans cette communion nationale, quelque chose n’est pas clair.

C’est dans l’arrière fond, dans les souterrains nietzschéens, dans le ressort idéologique souvent inconscient, dans la superstucture marxiste, que la légitimation se trouble jusqu’à s’opacifier. Plusieurs points, à cet égard méritent d’être évoqués.

  • L’attentat contre Charlie Hebdo évoque, certes, une atteinte à la liberté d’expression. Mais, n’est-ce pas avant tout des meurtres dont il s’agit ? Est-ce que l’assassinant de douze personnes n’est pas un motif suffisant pour susciter de l’émotion, pour que l’essentiel des réactions porte sur le seul rapport à la liberté ? L’indignation qui se cristallise dans la sphère médiatique comme dans l’opinion s’est trouvée un slogan : « Je suis Charlie »… Comme si l’atteinte à un média était plus importante que les victimes. Peut-on croire que ces dernières se définissaient davantage comme caricaturistes que comme être humain ? Au vrai, il importe peu que le ressort de l’attentat fut une vengeance contre les idées véhiculées par l’hebdomadaire. Lorsqu’un mari tue sa femme par jalousie, cela reste un drame domestique, et non une atteinte à la femme en général. La confusion présente n’est cependant pas anodine.
  • L’arrivée massive du personnel politique dans ces mouvements publics me laisse perplexe. La sécurité publique est de moins en moins assurée… alors qu’elle est dévolue tout entière à l’Etat. Il y a là un échec déplorable des politiques et des services administratifs de renseignements (voir article). Avons-nous pour autant entendu un mea culpa ? Absolument pas. François Hollande a entrepris, depuis les voeux du Nouvel An, de nous dire quelle attitude les Français doivent avoir devant la crise et les difficultés (en restant optimistes), et désormais devant les attentats (en restant debout)… mais en oubliant qu’il est entièrement responsable, comme tout le personnel politique.
  • L’islamisme est un fléau mondial. Mais comment ne pas voir qu’il s’est propagé en France dans les banlieues, dans les écoles, dans les prisons, dans les mosquées, au coeur même de la nation, et que des imams fanatisés déversent tous les jours dans leurs prêches le fiel contre la France et ses institutions ? Notre pays, par l’abdication de son identité, la création des banlieues, le renoncement à légiférer sur l’immigration inassimilable, a favorisé l’émergence et la propagation de ces dérives. Comment alors situer « la marche républicaine » dans ce fatras de responsabilités et d’échecs ?
  • « La marche contre la terreur et pour la liberté »… C’est un slogan extrêmement fort… comme les affectionnent tant les thuriféraires droit de l’hommistes… Soit. Mais on entend aussi dans le déversoir médiatique les éléments de langage du politiquement correct : « Attention aux amalgames… Il n’y a qu’une poignée de déviants fanatisés. Surtout ne pas généraliser… » C’est entendu. J’aurais alors besoin que l’on m’explique comment peut-on se mobiliser par millions pour un fait accompli ayant une si faible base militante. Si il est vrai que c’est une poignée de fanatiques qui est en cause, leurs crimes s’apparentent à du droit commun. Je ne vois guère comment la société pourrait se sentir menacée… Cette contradiction est essentielle.
  • Ainsi donc, au regard des différences de traitement de certains faits, nous pouvons les hiérarchiser ainsi : Manifestement, tuer des caricaturistes est un drame national qui mobilise la population. En revanche, les trois enfants juifs que Mohamed Merah a tués (et les sept personnes au total)… méritent certes, un traitement particulier, mais pas la grande communion dans la rue.

« La marche républicaine », les slogans et les émotions médiatiques ont en réalité une seule vertu : Ils permettent d’agréger une population privée de tout repère normatif que la société post-moderne ne peut plus proposer. Ils créent le réflexe de protection de la société en danger. Ils nous confortent dans l’idée que nous avons à sauver notre modèle. On se gargarise des peurs fantasmées pour resserrer les rangs. Nous sommes en pleine auto-fabrication du mythe.

Mais le mythe est écorné. Car de modèle, il n’y en a pas. Et nous ne pourrons pas encore longtemps nous contenter des quelques expressions politiques éculées en guise de valeurs. La société se perd non à cause de ses ennemis, mais à défaut d’exister dans le champ de la représentation symbolique normative et culturelle. Elle n’est qu’une coquille vide parée des vertus de la République…

 

En complément, voici deux articles éloquents en cette occurrence : 

Philippe Bilger : Pourquoi je ne participe pas à «la marche républicaine» (Le Figaro 11 janvier)

– Jean-Pierre Le Goff : «Le désir d’union ne doit pas nous empêcher d’affronter la réalité» (Le Figaro du 10 janvier)

Où l’on a les mythes que l’on mérite…

Manifestement, la société a conservé intacts ses besoins de mythe.

La France célèbre en grande pompe les 40 ans de la légalisation de l’avortement.

Je n’entrerai pas dans le débat du « pour ou contre » car ce n’est pas là mon propos. Je voudrais juste préciser ce que m’inspirent ces célébrations et leur cohorte de propos hyperboliques.

La légalisation de l’avortement fut portée, on le sait, par Simone Veil. Or, à aucun moment durant les débats à l’assemblée et lors de ses interviews, elle n’eut les mots de « grande conquête » ou de « loi majeure du XXème siècle ». Au contraire, elle eut toujours à coeur de rappeler que l’avortement est et restera dramatique.

Aujourd’hui, les propos dithyrambiques et les panégyriques me paraissent totalement déplacés et relever de ces fantasmes sociétaux auto-alimentés par une sphère politique inapte à proposer un projet de société et par une logorrhée médiatique toujours dans la surenchère.

Certes, cette loi est importante. Quel que soit le point de vue que l’on puisse en avoir, il y a un avant et un après dans un tel dispositif, une rupture dans l’ordre des choses, un moment de basculement. Mais y avait-il besoin de pratiquer de telles surenchères verbales pour commémorer les 40 ans de la loi ? Fallait-il que l’Assemblée nationale se gargarisât en prétendant que l’avortement doit être inséré dans la loi fondamentale ? Et que dire de ces propos entendus sur les ondes comme des litanies : « Loi la plus importante du XXème siècle » ? Ah oui, vraiment ? Permettre aux femmes de mettre fin à une grossesse non voulue est plus important que la réglementation sur le travail des enfants ? Plus important que l’instauration de la Sécurité sociale ? Plus important également que l’acquisition par les femmes de leur capacité politique et juridique ?

Mais quelle est donc cette société qui peut ainsi s’inventer de telles illusions intellectuelles ? Qu’est ce qui peut pousser le progressisme à forcer sans cesse le trait du pathos dès qu’il s’agit de faire la promotion d’une « avancée sociale » conquise sur une attitude conservatrice jugée systématiquement et ex ante odieuse ?

Cela s’apparente à de la manipulation mentale.

Les lassitudes idéologiques d’une vieille nation européenne

De déceptions en désillusions, les alternances politiques laissent de plus en plus perplexes une masse électorale encline à se détourner en quelques mois à peine de ceux qu’elle a portés aux nues par la magie du bulletin de vote. La prise de conscience de l’aspect très artificiel des programmes politiques et de leur inapplicabilité dans la pratique, crée un contexte négatif et pessimiste au sein d’une population déjà fragilisée par la crise et les mauvaises nouvelles économiques. La confiance dans la politique pour résoudre ces problèmes s’en trouve évidemment écornée gravement et la recherche d’alternatives extrêmes, fortement tentantes.

Les tensions internationales, toutes éloignées qu’elle peuvent être de la vie courante de l’immense majorité des Français, accentuent cependant un sentiment d’insécurité générale, relayée par les questions de la fongibilité de l’islam dans la société. Enfin, la question de notre identité nationale n’ayant jamais été clairement posée, la France apparaît de moins en moins capable de s’imposer sur la scène internationale.

Ces constats ne sont en rien inédits. Ils sont désormais repris comme des éléments incontournables de l’analyse politique et sociétale.

En revanche, l’analyse des causes est très loin du consensus. Car après avoir énoncé que les politiques n’étaient plus capables de proposer des projets de société structurants, les réflexes d’appartenance partisane resurgissent dès qu’il faut émettre un jugement sur l’origine des problèmes. Mais qu’il s’agisse du progressisme de gauche qui se perd par une fuite en avant dans l’idéologie de la destruction de la morale et du capitalisme, ou du libéralisme de droite qui se perd tout autant dans la fuite en avant d’une productivité indéfinie et sans autre but que l’accroissement de sa puissance, les diagnostics ne nous enseignent plus rien d’autre qu’une irréductible destruction de la richesse de l’homme au profit de son utilitarisme idéologique.

J’aimerais évoquer deux causes principales peu reprises par les médias mais qui m’apparaissent pourtant déterminantes.

  1. Une société a besoin de cadres normatifs clairement exprimés et assumés. Les déconstructions philosophiques du XXème siècle ont eu le tort de considérer que seul le relativisme avait une réalité. A trop vouloir s’attaquer aux idées en les soupçonnant d’avoir des souterrains inavouables, et en ayant abordé la société moderne par le regard nietzschéen de ce toujours plus sans fin et sans cause, nous avons oublié que la critique des idées… était aussi une idéologie. On ne peut agréger une population, la rendre collectivement cohérente et lui donner l’envie de participer à sa propre histoire tout en lui susurrant sans cesse que tout se vaut et que la société est une entrave à la liberté individuelle. Car on semble un peu vite oublier que sans la cohésion nationale, sans la structure étatique, 60 millions d’individus livrés à eux-mêmes dépériraient en quelques années.
  2. La seconde cause est pendante de la première. La France, comme tous les grands pays européens, depuis les traumatismes des deux conflits mondiaux, ne veut plus assumer de posture de combat avec les autres Etats. Cela est vrai sur le plan militaire mais aussi – et surtout – sur le plan idéologique et commercial. Les pays de la vieille Europe n’ont plus aucun goût pour l’affrontement. On rechigne à parler de guerre économique, on traîne des pieds à s’armer, on renonce à lutter contre les attaques industrielles des pays émergents… Mais une telle lassitude est aussi la marque des vaincus, de ceux qui renoncent à ce qu’ils sont et qui ne peuvent au final endiguer la déferlante des autres nations – Chine, pays émergents, USA… – persuadées, elles,  que tout est combat. Ne pas lutter, c’est aussi admettre qu’on n’a rien à défendre, que rien ne vaut la peine du  sacrifice. C’est en cela que l’absence d’identité claire redevient en surbrillance. Il faut croire en quelque chose pour accepter le sacrifice.

Il y a quelques jours, nous commémorions le 11 novembre 1918. Si la guerre s’était déroulée dans la France d’aujourd’hui, que serions-nous devenus ?

Sans une réelle refondation de la société autour de valeurs partagées et fortement structurées sur une identité qui n’oublie pas le passé, la France est un pays en voie de régression définitive.