Réflexions pour un avenir

La Raison suffisante

J’ai le plaisir de vous présenter le roman que je viens de publier en version numérique.

Il s’agit de l’histoire de deux familles aux origines sociales très différentes, qui vont malheuresement se croiser pour le pire, dans une station balnéaire de la Côte d’Azur. Les préjugés, leurs histoires personnelles, les déterminismes psychiques et sociaux, vont alors être le moteur de leurs décisions calamiteuses.

Quelle est la place de notre liberté dans le regard que nous portons sur autrui ? Pouvons-nous réellement être autre chose que le produit de nos antériorités, ou bien la raison suffisante nous condamne-t-elle à la prévisibilité ?

Malgré l’importance de ce questionnement, le roman est d’une lecture très aisée et se lit comme un polar. Il débouche sur une ouverture presqu’inespérée permettant de relancer la réflexion sans l’enfermer.

J’espère pouvoir susciter votre curiosité, et à la suite de cette lecture, vos commentaires et votre opinion sur ces sujets fondamentaux.

Vous pouvez acheter le livre numérique à cette adresse :  https://www.librinova.com/librairie/jean-pierre-bernardin/la-raison-suffisante mais aussi sur beaucoup d’autres plateformes numériques.

Bonne mlecture !

Jean-Michel Lambert : Le juge était un homme

Que ce soit dit de suite : Jean-Michel Lambert était un ami proche. Et je peux ajouter avec beaucoup de certitudes qu’il faisait partie des amis que j’estimais le plus. Nous nous étions rencontrés il y a quelques années, à l’occasion d’une conférence organisée par le club Rotary dans lequel j’étais membre. Il m’avait de suite touché par sa profonde intelligence et sa sensibilité. Sa courtoisie était sans limite et l’expression de ses sentiments à fleur de peau. Bien que son intervention ne portait pas sur l’affaire Villemin, on sentait qu’elle était présente en arrière-fond, tant dans l’auditoire que dans les arcanes de sa pensée.

Comme tout le monde, je n’avais pas, à cette époque, un a priori très favorable pour le juge Lambert. Comment en aurait-il été autrement ? Il n’y avait jamais eu la moindre voix discordante dans le concert des critiques du « petit juge ». L’unanimité à son encontre s’était établie étrangement comme la seule certitude dans cette affaire de l’assassinat du jeune Grégory, qui se caractérisait par un amas de conjectures et un enlisement général. En ce qui concerne le juge Lambert, c’était autrement clair. On tenait le coupable. C’est à croire qu’à défaut de l’assassin, il fallait une victime expiatoire, pour conjurer le mauvais œil sans doute présent dans les histoires sordides.

Certes, des erreurs furent bien commises, et Jean-Michel les déplorait. Il le dit encore dans la lettre qu’il a adressée à l’Est Républicain : « si j’ai parfois failli ». Je ne crois pas que son âge était réellement un handicap. A trente-deux ans, on est en mesure de prendre ses responsabilités, même lorsqu’elles sont lourdes et exigeantes. En revanche, depuis cinq ans qu’il exerçait alors la fonction de juge d’instruction, c’était la première fois que son travail était médiatisé.

Il n’est pas de mon propos de refaire l’historique du dossier, à charge ou à décharge. Jean-Michel était quelqu’un d’une intelligence profonde, d’une culture étendue et d’une épaisseur humaine évidente pour quiconque avait la chance de le côtoyer. C’est là mon essentiel aujourd’hui. Et c’est précisément son immense humanité qui l’a fait se meurtrir pour cette affaire dans laquelle il était mis en cause moralement.

C’est très exactement là où je veux en venir. Car il faut bien comprendre l’épouvantable ignominie dans laquelle Jean-Michel fut maintenu sa vie durant. On a là, en effet, une situation que je crois assez inédite, dans notre société. La vie moderne impose de plus en plus rigoureusement des régimes de responsabilité. On n’en finit plus de mettre en cause pénalement les uns et les autres, dès qu’un peu de pouvoir leur est attaché, car il faut trouver des coupables quand quelque chose dérape. Les chirurgiens, les architectes, les chefs d’entreprise, les élus, les techniciens, les artisans… la liste est infinie, comme le désir de transformer en pactole financier le statut de victime (que certains finissent même par s’inventer tant il devient enviable).

Mais les incriminations, qu’elles se terminent en classement sans suite, en non-lieu ou en condamnation, trouvent systématiquement une conclusion pour le « coupable ». Quand la peine est purgée, le droit positif interdit à quiconque de prétexter une ancienne condamnation pour montrer du doigt l’ancien accusé ou pour le discriminer à l’embauche.

Pour Jean-Michel Lambert, alors qu’il n’a jamais fait l’objet d’une mise en cause sévère par sa hiérarchie (sinon, il aurait pu être destitué), puisqu’il fut simplement déplacé et que probablement sa carrière en a été ralentie, il ne bénéficia pas du droit à l’oubli. Les décennies passèrent, l’affaire Grégory n’avançait pas, les juges et les enquêteurs se succédaient, mais un retour systématique au début de l’enquête et aux défaillances qui y étaient associées s’étalait dans la presse, à chaque nouvel élément de procédure – souvent stérile – engendré probablement davantage par un souci d’éviter la prescription que par une piste réellement sérieuse.

Dès lors, voici un homme qui devra porter sa vie durant (32 ans, excusez du peu), pendant toute sa carrière de magistrat, et dont la mise à la retraite ne fut en rien – comme pour tout un chacun – le moment où une page se tourne, une charge morale écrasante. Car Jean-Michel avait une morale, et elle était exigeante. Loin de dissocier les affaires professionnelles de sa vie privée, il ne put jamais réellement tourner la page de ce qui l’a hanté probablement le plus : la mort de Bernard Laroche.

Se rend-on compte de la portée de ce que Jean-Michel écrit à l’Est Républicain, évoquant que ce qu’il redoute, c’est d’être une nouvelle fois mis en cause ? « Je n’ai plus la force de me battre, j’ai accompli mon destin ». La violence et l’inhumanité de ce qu’il ressentait n’a aucune justification. Je le répète, un meurtrier est absous après avoir payé. Un chirurgien qui a tué son patient lors d’une opération l’est tout autant, après une procédure et le dédommagement des assurances. Mais pour Jean-Michel, il n’y eut rien d’autre que la béance d’une faute qui devint consubstantielle à sa personne.

Quelle est la cause de tout cela ? La médiatisation. On baigne dedans, elle est érigée en vertu démocratique, en liberté de parole sacralisée, et en réussite absolue pour celui qui bénéficie de sa bienveillance sacramentelle. Mais malheur à celui qui en est victime, qui n’a pas su la maîtriser, ou qui a cru pouvoir s’en servir. Car elle dévore, cloue au pilori, assène ses vérités dans un déversoir sans fin, au gré de la toute puissance des journalistes, tous ceux qu’elle considère comme fautif.

Jean-Michel, tel Icare, s’est brûlé les ailes pour avoir cru qu’il devait répondre voici plus de trente ans aux sollicitations des médias, qu’il pouvait user de cette voie pour une affaire hors norme. L’engrenage s’est alors mis en place. On ne lui pardonna plus rien.

« De combien d’injustices suis-je coupable ? » se demandait-il dans son précédent ouvrage, analysant son métier de juge et décrivant les arcanes et les défaillances de la justice française. Mais qui donc posera la dernière question, celle de l’injustice dont il fut victime ?

In memoriam.

Présidentielles 2017 – Entre stupefaction, incrédulité et rejet, les Français n’ont plus rien à perdre

La campagne pour les élections présidentielles a mis en évidence un système politique français à bout de souffle, et ce, à tous les niveaux d’analyse. La situation est à cet égard préoccupante et dangereuse. Préoccupante, car de cette élection devront sortir les instances du pouvoir exécutif, puis législatif le mois suivant, qui prendront des décisions cruciales concernant l’Europe, l’adaptation économique, le chômage de masse et la cohésion de la société, ce qui ne saurait être envisageable par le truchement de l’amateurisme ou de l’expérience fantaisiste. Dangereuse, parce que les déséquilibres dont la France est victime, du fait de politiques inadaptées, inefficaces et pour tout dire coupables, menées depuis des décennies, et singulièrement lors de ce quinquennat malheureux qui s’achève dans la déconfiture la plus totale, tendent à précipiter notre pays dans la zone de relégation de la scène internationale, et de laquelle il sera presque impossible de sortir.

Je voudrais à cet égard prendre quelques éléments qui me paraissent notables comme autant de signes de l’appauvrissement de la pensée politique de la France.

  1. Le système des primaires

Il y a encore quelques mois, il était considéré comme un modèle de démocratie (la référence à la démocratie étant, dans la bouche des médias, l’alpha et l’oméga de la perfection d’un système).

La réalité est terriblement différente : Aucun des deux vainqueurs, à gauche comme à droite, n’est, à deux semaines de l’élection, en mesure de se retrouver au second tour.

Ce système est porteur, en lui-même d’une pathologie irrécusable : Le candidat doit radicaliser son discours à l’intérieur de son propre camp pour avoir l’espoir de l’emporter en se démarquant des autres. Puis ensuite, à peine élu, il doit entamer une campagne cette fois nationale, sur un programme évidemment beaucoup plus recentré. Cela porte un nom, la schizophrénie… L’écart que le candidat est condamné à combler, alors qu’il en a été lui-même à l’origine est une gageure et abaisse considérablement sa crédibilité. Benoît Hamon est minoritaire au PS, et ne cessera pas de l’être. A peine l’élection présidentielle passée, il pourra considérer que sa carrière politique s’est achevée. Et pourtant, il fut le grand gagnant de sa primaire. François Fillon – je reviendrai infra sur les affaires – est inaudible au niveau national sur une mesure telle que celle de supprimer 500 000 fonctionnaires. Peu importe de la justesse et de l’opportunité du chiffre, il ne peut être élu sur une telle mesure. Or, elle lui a permis de mobiliser son électorat lors de la primaire.

Tout cela ne s’explique, en dernière instance, que par le mode de scrutin de ces pseudo-élections. Seuls vont voter ceux qui entendent les discours radicaux. Il faut être motivé pour voter à la primaire, car l’enjeu n’est évidemment pas celui de l’élection nationale. Ainsi, les programmes forts sont sur-représentés, par rapports aux modérés. Fillon passe devant Juppé non parce que la majorité des électeurs des Républicains est convaincue par son programme, mais parce que son propre électorat s’est déplacé en nombre. Mais la masse des électeurs de la droite est moins ancrée dans une logique de rupture que dans celle de l’adaptation. Le corps électoral de droite, composé des cadres, chefs d’entreprise, salariés plutôt bien payés, n’est pas révolutionnaire. Elle ne cherche pas les politiques d’électro-chocs, mais une facilitation du besoin perpétuel de modernité caractéristique de la société de consommation.

On a entendu que la primaire à droite était un grand succès grâce à ses 4 millions de votants. C’est une imposture intellectuelle. Le corps électoral en France est de 44,8 millions de personnes en 2016 (source INSEE). Aux élections présidentielles de 2012, en ne prenant en compte que les suffrages exprimés (votants et défalqués des blancs et nuls), les électeurs étaient 35,6 millions à voter. Nicolas Sarkozy obtint 9,7 millions de voix au premier tour. Aux primaires, Fillon obtint au second tour 2,9 millions de voix, c’est à dire 8,1% de la masse moyenne des votants en France, et surtout à peine 30% des votants de Sarkozy de 2012. On voit donc bien que la légitimité des primaires est extrêmement faible, quoi qu’on entende au sein des partis considérés.

Les primaires on un désavantage supplémentaire. Les combats politiques les plus violents ont lieu à l’intérieur même des partis, lorsque le choix des candidats doit se faire. On a cru naïvement qu’en s’en remettant à un vote, cela assurerait au vainqueur le soutien des perdants, grâce à l’onction électorale. Il n’en est évidemment rien. Au contraire, car la mise à égalité des candidats lors de la confrontation, aiguise les ambitions et ne donne pas envie de courber l’échine même après la défaite, alors que la soumission au chef naturel s’accepte grâce au poids du système. Evidemment, encore faut-il qu’il y ait un chef naturel…

En tout état de cause, les primaires sont une erreur manifeste qui pèse lourdement dans la campagne. Elles accentuent le délitement du discours politique.

2. Le portrait global des cinq candidats « crédibles »

Ce qui me navre le plus dans cette élection, ce n’est pas la victoire possible de certains candidats, mais la faiblesse coupable de l’ensemble des postulants.

Marine Le Pen, à force de vouloir donner au Front National ses lettres d’honorabilité, en est venue à un programme décousu, illogique et contradictoire. Economiquement très à gauche (cela depuis que le gros de ses troupes est issu du monde ouvrier), son programme est la négation de ce qu’il était les années passées : libéral. Il s’est par ailleurs enrichi de la thématique de la sortie de l’Union européenne, et cite évidemment le Brexit comme le gage de réussite. Un détail pourtant devrait interpeller : Le Brexit n’a pas encore eu lieu… La décision a été prise mais les conséquences sont encore largement inconnues. Quant à revenir au franc… Qui donc peut croire à une telle mascarade ? Nous avons bien autre chose à faire que de perdre plusieurs années à détricoter un système qui n’est pas nocif en soi, mais seulement par ce que l’on en fait.

Les questions identitaires au FN se sont soudainement limitées à l’islamisme. Comme si l’incurie des banlieues, les zones de non-droit, les classes constituées à 100% d’étrangers dans certains quartiers, les ravages de ces millions de personnes oisives et déstructurées, la violence quotidienne et au final l’abandon des pouvoirs publics, pouvaient se résumer à la question islamique. Or, Marine Le Pen croit avoir la solution : la laïcité. La France est un pays qui a déjà et malheureusement pour elle, fait oeuvre, dans son Histoire, d’une idéologie anti-religieuse inadmissible. L’idée d’en rajouter une couche pour lutter contre le monde musulman, me paraît à proprement parler inadéquate.

Emmanuel Macron concentre sur lui toutes les inadaptations du système politique. Il en est la quintessence. Depuis 40 ans, les présidents ont tous marqué un écart considérable entre le discours de campagne (assis sur un programme toujours plein d’ambition) et la réalité. Sarkozy et Hollande en sont les archétypes. Ils déçoivent dès leur arrivée et montrent qu’ils n’auront été bons qu’en tant que candidats. Emmanuel Macron – il faut lui reconnaître cette vertu – ne nous prend pas au dépourvu. On sait dès maintenant qu’il ne ferait rien s’il était élu. Pour preuve, l’absence de programme. On reste dans le flou, histoire de ne contrarier personne. On préfère les déclarations de bons sentiments du type « je vous aime furieusement » plutôt que d’entrer dans la réalité d’un programme de gouvernement. Un coup à droite, un coup à gauche, on contente tous ceux qui n’ont pas d’idées – et ils sont nombreux en France. Mais pour faire quoi, une fois arrivé au pouvoir ? Rien, évidemment. Les Français sont tellement dégoûtés de la politique qu’ils vont probablement se laisser tenter. La sidération sera pour les lendemains qui déchantent.

François Fillon avait le mérite d’avoir un programme cohérent et qui sortirait la France de son inaction hollandaise. On peut regretter des excès dans certaines mesures, des approximations, des revirements au gré des circonstances (notamment le temps du passage des primaires à la vraie campagne). Mais l’essentiel y était. Même s’il n’est pas bon pédagogue : Au lieu de sortir un chiffre brut de 500 000 fonctionnaires, ce qui a eu le don de faire frémir la majorité des familles françaises qui compte au moins un fonctionnaire en son sein, il fallait de suite le décliner entre les trois fonctions publiques et entre les administrations ainsi que rappeler qu’il ne s’agira pas de jeter les agents hors de leur bureau… Force est de reconnaître cependant, que c’est le programme le plus abouti et le plus cohérent.

Ce qui est évidemment déterminant pour se faire une opinion sur François Fillon, c’est la question des affaires. Il fut un temps où l’enveloppe qui était octroyée aux députés pour la rémunération de leurs assistants était libre d’utilisation. S’il restait un reliquat, le député conservait la somme. Si il se passait d’assistant, il gardait tout. Légalement. Mais une réforme a modifié ce système généreux mais dispendieux : Désormais, le député qui n’utilise pas toute son enveloppe doit restituer le reliquat. Voilà bien un manque à gagner pour un personnel politique dont la vie publique et les conséquences privées (réceptions, dîners, voyages…) coûtent très cher. L’indemnité de fonction est largement insuffisante au moins pour les « ténors ». Alors on cumule avec des mandats locaux, on prend tous les postes rémunérés. Rien n’y suffit. Il en faut toujours plus. Le train de vie d’une personne politique de premier plan est considérable. Il est tentant alors, tenant chaque mois le relevé de compte sur lequel apparaît le virement de la rémunération des assistants, de considérer que c’est de l’argent à soi. Comme la loi ne le permet pas, on s’accommode de la règle en embauchant le conjoint… et comme aucune disposition ne précise le travail qui doit être accompli par les assistants, il n’est pas difficile de comprendre de quelle manière le système s’accomplit.

François Fillon aurait pu dire « Je vous fais le serment que la rémunération de Pénélope est légale et correspond à un vrai travail ». Il ne l’a pas dit. Il a seulement précisé : « Jamais les juges ne pourront démontrer que l’emploi de mon épouse était fictif ». Ah ! la sémantique, quand tu nous tiens !

François Fillon a commencé sa campagne par des accents de moralité qui étaient les bienvenus dans un monde politique qui s’en échappe outrageusement. En précisant qu’il est catholique, il bouscule avec raison cette pratique mortifère bien française de faire la guerre à la foi. Mais les affaires sont là… Et pour un moralisateur, y être confronté est un défi presque impossible. Peut-être que s’il avait eu, un temps au moins, une activité professionnelle réelle (privée ou même publique) il aurait eu une autre démarche. Mais élu député à 27 ans et ne vivre que de ses mandats locaux et nationaux pendant 40 ans… est-ce bien raisonnable ?

Benoît Hamon est assurément le dindon du système. Il n’avait rien demandé. Petit frondeur sans envergure, avec un programme plus proche des idées socialistes des années 70 que des perspectives des années à venir (taxer les transactions financières, manipuler les chiffres du déficit en enlevant les dépenses d’investissement (!), régler le problème des prisons… en les vidant, privilégier le recrutement des femmes dans les postes supérieurs de l’administration – le critère sexe primant sur la compétence -, et évidemment, dépenser à tour de bras l’argent que l’Etat n’a plus depuis longtemps) , il ne s’attendait pas à être vainqueur de la primaire. Les raisons sont les mêmes que pour Fillon : La radicalité déplace les foules. Mais les perdants de la primaire de la « belle alliance » (ça ne s’invente pas de telles énormités), ont fait exploser en plein vol un parti qui ne sait toujours pas s’il doit se considérer comme anti-capitaliste ou pas. Les oppositions sont irréconciliables. Entre Valls et Hamon, c’est un monde qui les sépare. Certes, Valls a surtout montré à quel point il était mauvais perdant. Il s’était tellement persuadé qu’il n’y avait que lui de légitime, qu’il s’est mis à haïr le pauvre Hamon sans retenue et devant les caméras… A quoi servent les primaires si c’est pour ensuite passer son temps à délégitimer le vainqueur ?

Le programme de Benoît Hamon est terriblement médiocre. Le revenu universel est une douce plaisanterie qui n’est même pas porté par les militants. Afficher comme conduite du changement, la perspective de l’oisiveté rémunérée relève d’une pauvreté intellectuelle affligeante. Le reste est vieux, gauchisant à souhait, sorti des cartons archivés depuis longtemps. La France irait-elle mieux avec un tel régime ? Qui peut le croire ?

Jean-Luc Mélenchon est l’intellectuel présumé. Du moins est-ce là ce qu’il aimerait faire croire. Pourtant, ce n’est pas la liste de ses diplômes qui nous en convaincra, ni la fulgurance de sa pensée. Certes, il a évolué depuis cinq ans, à n’en pas douter. J’avais eu à son endroit, quelques mots très durs concernant ses prises de position révolutionnaires systématiques, litaniques, surabondantes, déversées dans une logorrhée qui amusait les médias mais qui fossilisait la parole de gauche. Cette fois-ci, il cherche l’ouverture et donc doit montrer que son rouge a rosi. Il est cependant décevant sur un point : Que l’on détestât ou non ses prises de position, on ne pouvait auparavant lui refuser une vertu, celle de ne pas céder aux verbiage politique circonstanciel. Or, cette année lui est fatale sur ce point. Tout en enrobant ses discours de sa faconde inimitable, il montre que son principal travail consiste à faire de la politique, c’est à dire à se positionner pour capter des voix sans se préoccuper de cohérence ou de vertu. Désormais il ratisse large comme d’autres arpentent les boulevards.

Sur son programme, quand on le lit en détail, on est confondu par tant d’inepties grossières et dangereuses. Tout pour la dépense… ce devrait être son adage. Il croit encore à la fable économique qui pronostique que c’est par la demande que la croissance arrive. Cela n’a jamais fonctionné. En 1981, Mitterrand y a cru également… mais en 1984, le demi-tour fut radical. Dans un contexte de marge de manoeuvre budgétaire, on pourrait se laisser convaincre. Mais la dette de l’Etat est abyssale désormais. Même si le déficit annuel semble à peu près contenu (encore que les budgets ne sont pas exécutés en équilibre, et que seul un suréquilibre annuel pourrait diminuer la dette globale), le stock de la dette est vertigineux. La France va perdre de sa crédibilité sue la scène internationale à court terme. Tous les Etats ont compris qu’une entité nationale n’échappait pas à la règle comptable de l’équilibre. Pour exercer des choix politiques, il faut en avoir les moyens. Mélenchon ignore tout cela, comme toute pensée de gauche qui impose les dogmes hors-sol.

3. La conclusion est amère

Sur 11 candidats, deux sont trotskistes, soit 18% de l’offre politique, alors qu’ils représentent 2% de l’opinion.

Les 5 plus petits candidats sont ridicules. Ils aboient autant qu’ils peuvent pour compenser la légèreté de leurs idées. Le système qui les admet est coupable.

Le niveau des débats est effroyablement bas. Il ne correspond absolument pas à la position de la France comme 6ème puissance mondiale. Les candidats souffrent d’un manque de prise de hauteur qui les condamne à des propos de café du commerce. Personne n’a abordé la question du long terme. La France ne peut être gouvernée par programme de cinq ans. Il y a des décisions qui doivent être prises à des horizons bien plus longs, mais qui nécessitent au préalable, que soit discuté le devenir national. Chacun y va de son catalogue de mesures démagogiques, dans l’air du temps, marketing, racoleuses. Lors du débat à 11, ce ne fut que cacophonie. Alignés et vantant leur programme, ils me firent penser irrésistiblement aux marchands ambulants devant leurs étals, cherchant à retenir l’attention des passants par de fines phrases ciselées : « Ah qu’ils sont beaux mes poireaux ! », « Venez goûter mes fromages ! »…

Les instituts de sondage prévoient tous un taux d’abstention très élevé.

La disqualification de François Fillon

Je me contenterai de réagir à un article d’Alexis Feertchak paru dans le Figaro version internet du 5/2/2017.

Loin de moi l’idée de confondre une accusation et une condamnation. Mais les faits sont têtus… et l’affaire bien mal engagée notamment depuis l’interview de Pénélope Fillon…

On hésite entre la tragédie grecque et le pathos romantique pour qualifier la situation dans laquelle se trouve François Fillon. Acclamé par le peuple de droite lors des primaires, positionné comme la figure de l’alternance inévitable consécutive à la déconfiture annoncée d’un parti socialiste moribond, ce n’est pas du costume d’un candidat à l’élection présidentielle dont il s’est vêtu, mais directement de celui de futur président.

Et voilà que la sale affaire ruine d’un seul coup une telle prédestination.

Pour un homme politique, se faire élire est la seule source de légitimité. Quand il est possible comme dans ce cas, d’anticiper la victoire avec autant de sérénité, c’est un élixir de bonheur. La fin tragique d’une telle perspective du fait d’un événement externe est vécue comme un rapt, une dépossession inique, une trahison.

L’animal politique ne peut alors se résigner si vite. Il en appelle au peuple, invente une persécution, refuse de quitter la place en s’accrochant aux rideaux…

Et dans son for intérieur, il finit même par croire au roman de sa victimisation, comme si le fond de l’affaire ne comptait plus, comme si l’accusation de s’être s’octroyé plus de 800 000 euros de revenus supplémentaires sans cause ne devait pas avoir d’impact sur le brillant destin déjà touché du doigt.

Ce que François Fillon oublie, dans sa dramaturgie, c’est qu’il est lui-même responsable de cette situation.

 

Le rejet des politiques de gestion sans envergure

Sans préjuger des résultats du second tour de la primaire de gauche, mais en relevant simplement que les perspectives de Benoît Hamon sont assez positives, une première leçon peut être tirée du portrait type des candidats à l’élection présidentielle.

Il apparaît en effet que le corps électoral français – et sans doute est-il envisageable d’étendre ce constat à un certain nombres de pays occidentaux – cherche à promouvoir des politiques ayant un support doctrinal affirmé. Les Français sentent, sans doute confusément au regard de l’éparpillement des convictions, qu’il convient de demander aux gouvernants un peu plus d’engagement que la gestion des affaires courantes en réclame. Les propos que l’on entend parfois tels que « la mondialisation est inévitable », « la politique doit s’adapter », « on a tout essayé », « ce n’est pas de notre faute, c’est l’Union européenne »… ainsi que le pragmatisme dont font preuve tous les gouvernants qui passent (mais qui préfèrent le mot de « réalisme » pour se justifier), ne sont plus audibles.

L’absence de conviction de François Hollande (alors qu’il fut un pourfendeur idéologique en nommant ses ennemis durant la campagne de 2012), l’attitude de Manuel Valls gérant les affaires courantes sans idées directrices, au gré des circonstances et de la marche du monde, la déception créée par le peu de résultats du bilan de Nicolas Sarkozy, lui aussi très en verve pour les joutes électorales mais finalement renonçant aux réformes de fond, offrent un tableau de dix années d’immobilisme et de défaite de la pensée.

Or, les électeurs se souviennent de tout et ne supportent plus l’incapacité de nos dirigeants à maintenir un cap, appuyé sur des idées fortes. Le consensus mou, la gestion à la petite semaine ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est l’élément encourageant qui ressort de ce constat. Car il est encourageant de considérer que les Français réclament des idées s’incarnant dans leur histoire. La somnolence engendrée par la ritournelle des aveux d’impuissance a porté la France dans un état réellement inquiétant.

Certes, toutes les idées – contrairement à ce qui est prétendu – ne se valent pas. Il n’y a pas qu’une affaire d’opinion dans les choix politiques profonds qui engagent une nation de l’importance de la France. Mais, je ne veux y voir dans un premier temps – dans cette tendance du peuple à réclamer des politiques structurées par des grandes orientations sociétales – qu’une belle affirmation qu’on ne peut pas continuer à ignorer que fondamentalement, le choix politique n’est pas un choix de gestion, mais une option à dimension philosophique.

Les idées développées par Benoît Hamon sont nettement étrangères à la notion de « réalisme politique » que promet Manuel Valls pour justifier le quinquennat irréaliste auquel nous avons été confronté. Le revenu universel, à lui seul est une option qui est très fortement connotée (et je le redis, mon propos n’est pas ici de débattre de ces idées).

François Fillon a développé un programme qui est dit de rupture, ce qui n’est pas, en l’occurrence, un terme galvaudé. Il a mis en avant sa foi chrétienne, ce qui est inédit dans l’histoire politique de la Vème République, et même antérieurement.

Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il est contre le système. Sa présence à elle seule, sans l’appui d’un parti, en refusant toute entente avec le PS ou les Républicains, ses propos eux aussi de rupture, sa personnalité, lui donnent au moins en apparence l’image d’un changement potentiel radical dans le paysage politique.

Marine Le Pen représente bien évidemment l’archétype du positionnement politique structuré par des principes fondamentaux.

En regard de ces quatre figures, les Français ont aussi considéré qu’ils ne voulaient pas d’un second mandat de François Hollande, qu’ils ne voulaient pas non plus d’un retour de Nicolas Sarkozy (dont je répète qu’il faut distinguer le discours des actes), pas plus que de celui d’Alain Juppé, emblématique de la politique du juste milieu.

La marche du monde est une source d’inquiétude forte pour les nations occidentales. L’essentiel des principes qui sous-tendent les décisions politiques et qui constituent la matrice de la vie des peuples, repose sur le libéralisme économique. Débarrassé de toute autre dimension, le dogme libéral réclame toujours moins de valeurs normatives qui sont des freins au consumérisme décomplexé. Or, la vie des hommes ne peut se résumer à la seule consommation qui tiendrait lieu de principe moral et à l’épuisement de l’être dans le paraître.

Mieux vaut encore des idées contestables qui animent les débats et permettent la contradiction, que l’absence de toute idée qui annihile la grandeur de l’homme.

 

La double légitimité des « stars » : Idées de gauche et paillettes…

Des « personnalités » disent « stop au Hollande-bashing » (JDD du 19/11/2016)

Voici un exemple notable de confusion des esprits :
Des artistes, sportifs, personnalités diverses etc… nous gratifient d’une « déclaration » s’indignant contre le « Hollande-bashing ».
Mais que représentent ces gens ? Leur déclaration bénéficie de la super-médiatisation due à leur starisation. Est-ce-là leur légitimité ? Est-ce intéressant et intellectuellement pertinent de savoir que Juliette Binoche ou Catherine Deneuve, ou encore Agnès B défend le bilan de François Hollande ?
La déclaration énumère les prétendues victoires du quinquennat et décrète ex abrupto que François Hollande a une stature d’homme d’Etat. Mais à chaque énumération, il est possible de considérer qu’il ne s’agit pas là d’une réussite mais au contraire d’une erreur (comme les créations de poste dans l’Education Nationale) et qu’en fait de stature, on est en droit d’être circonspect.
Mais voilà… la société dans laquelle nous sommes est désormais envahie par la superficialité et la légitimité à paillettes… Eh bien, pour ma part, je considère que cette question est plus importante que celle du cantonnement du déficit budgétaire, de l’âge de la retraite ou du mariage des homosexuels. Pourtant, elle ne sera pas dans les programmes des candidats de 2017…

Il n’y a pas de plus aveugle que celui qui ne veut pas voir…

Nicolas Sarkozy : « La colère du peuple doit être entendue » (Le Figaro du 12/11/2016)

Parler de colère ne rend pas compte de la réalité d’un phénomène étonnement commun à de nombreux pays occidentaux. La colère, en quelque sorte, c’est l’attitude de quelqu’un qui ne se satisfait pas des imperfections d’un système et qui tente de faire pression pour son amélioration. Si on étudie sur le long terme les mouvements d’opinion et que l’on prend en compte des phénomènes de plus en plus importants comme l’abstention électorale, on est obligé de conclure que le mouvement qui se dessine est celui d’un REJET de plus en plus massif des institutions, du socle doctrinal et des élites.
Ce n’est évidemment pas la même chose. Car ce sentiment emporte une conséquence : le choix électoral, quand il est accompli sous ces auspices, l’est dans le but d’affaiblir les institutions afin de contribuer à leur chute… Il y a donc un aspect insurrectionnel auquel le terme de colère ne renvoie pas.
Le temps presse… Si nous voulons éviter les heurts et les malheurs d’une guerre civile de type révolutionnaire, ces questions sont les seules qui doivent être méditées…
Mais pour cela, il convient que le prochain président en ait la capacité, la volonté et la fermeté. A gauche, la question ne se pose même pas… Mais à droite, l’évolution qui se dessine ne lasse pas de m’inquiéter…

Que signifie l’élection de Donald Trump ?

L’élection de Donald Trump peut être lue de manière purement électoraliste, ainsi qu’au regard des peurs de la société. Mais ces commentaires passent désormais en boucle dans les médias. Il me semble bien inutile d’y ajouter quoi que ce soit. Ce serait de l’enfermement dogmatique… Peu importe donc les heureux et les malheureux qui se répandent sur les réseaux sociaux. Ils ne nous donnent rien de la réalité des mouvements de fond des sociétés occidentales.

Je vous propose deux articles qui essaient de prendre le champ nécessaire. C’est à une refondation philosophique que nous sommes appelés. Rien de moins…

Le premier est celui du sociologue canadien Mathieu Bock Côté publié dans le Figaro de mercredi 9 novembre et intitulé «La révolution Trump est une forme de référendum antisystème»

Le second est un article que j’ai fait paraître sur le site d’information Basting News, et intitulé « Election de Donald Trump : Une signification bien plus grande que sa dimension électorale« .

Bonne lecture.

Quand l’idée politique n’est que servitude…

On voudrait bien y croire… Mais la situation de la France ne changera pas avec les élections de 2017.

Le propre des partis politiques est de contenir l’offre à l’intérieur du cadre duquel ils procèdent. En d’autres termes, il serait vain d’attendre des programmes électoraux qu’ils abordent des questions qui sont frappées d’anathèmes doctrinaux ou écartées par le politiquement correct.

Une des spécificités de la France, est qu’elle demeure toujours sous l’emprise juridique et dogmatique de la Révolution de 1789. Bien heureusement se réjouiront les communistes ! Mais c’est ce qui précisément pose un problème fondamental. Entendons-nous bien ! Je ne suis pas en train de promouvoir le retour de la monarchie. Ce n’est pas la question. La Révolution de 1789 n’a pas aboli la royauté par principe, mais en conséquence d’un dogme construit ex nihilo durant les Lumières, et qui ne vaut que pour ce qu’il est. C’est la tabula rasa.

Il s’agit de poser l’idée que l’assemblée des députés peut (et même doit) élaborer l’ensemble des règles de la société sans aucune référence historique, sans tenir compte des us et coutumes d’un peuple que l’on entend faire sortir de force de ses habitudes et de la culture transmise. C’est la fameuse phrase de Rabaut de Saint Etienne : « L’ancienneté d’une loi ne prouve autre chose, sinon qu’elle est ancienne. On s’appuie de l’histoire ; mais l’histoire n’est pas notre code. Nous devons nous défier de la manie de prouver ce qui doit se faire par ce qui s’est fait, car c’est précisément de ce qui s’est fait que nous nous plaignons ».

Philosophiquement, on retrouve cette idée dans la définition que donne Kant de son « impératif catégorique ». Un peuple a certes besoin de règles intangibles, mais qui doivent être issues des principes définis par une philosophie érigée en un tout indépassable.

D’aucuns rétorqueront qu’il n’y avait que ce moyen pour sortir des règles de la monarchie. Tant que les ordres subsistaient, aucune véritable évolution ne pouvait advenir. Peut-être…

Toutefois, le raisonnement consistant à introduire de manière totémique une notion telle que celle de la liberté, et de s’en servir pour ensuite verrouiller toute question politique qui serait jugée contraire à la définition imposée de ladite liberté, aboutit au final à un système idéologique schizophrène.

Prenons un exemple. L’universalisme des Lumières entend donner à l’Homme un statut irréductible en lui conférant une liberté individuelle qui ne peut être atténuée que par le système judiciaire après un jugement équitable. L’idée est évidemment honorable et défendable. Mais comment alors justifier que l’on puisse s’en servir pour combattre (voire même persécuter) les individus qui entendent pratiquer leur religion ? Les Droits de l’Homme font référence à la liberté religieuse. Pourtant, depuis deux siècles, les pouvoirs publics ne cessent de vouloir « écraser la tête de l’Eglise » (la formule est de l’inénarrable Mélenchon). Qu’est-ce donc qu’une religion qui ne peut avoir aucune visibilité dans l’espace public ? Une liberté ? C’est en fait une manière commode d’extirper de la conscience individuelle l’idée même de transcendance. La liberté dont on se sert est alors l’arme du dogmatisme athée combattant les citoyens imbéciles qui croient encore à des fadaises…

A défaut pour l’Etat de laisser l’Eglise dispenser sa foi et ses dogmes librement, on a assisté à une dégringolade de la pratique religieuse et au développement de l’athéisme. C’était donc cela la grande vertu de la liberté ?

Pourtant, on est là en présence de deux conceptions du monde qui ne peuvent pas se convaincre l’une l’autre : Croire ou ne pas croire. Il n’y a aucune raison pour qu’un système idéologique qui énonce le principe de liberté, puisse ensuite prendre partie pour une des deux hypothèses.

La question islamiste a réactivé depuis peu le problème (car l’Eglise catholique a abdiqué depuis longtemps). Mais le traitement politique qui en est fait témoigne de l’impuissance manifeste de l’Etat, pris au piège des dogmes intouchables.

La théorie des Droits de l’Homme a rendu impossible le traitement de la question de l’immigration. Durant des décennies, il ne fallait pas parler du nombre d’immigrés (c’était du racisme), du communautarisme (c’était contraire à la notion de citoyen), de la délinquance (encore du racisme)… L’administration s’est abstenue de toute étude sociologique tendant à corréler des facteurs cause à des situations objectives. On a détourné la question par le discours des causes sociales des problèmes des banlieues…

Cela a abouti à la montée en puissance du Front National. Quant aux Français qui désespèrent dans certains quartiers, il n’est venu à l’idée de personne de leur demander comment ils vivaient leur formidable liberté des Lumières…

Parmi les questions interdites, il y en a une qui a un poids tout à fait considérable. C’est celle de la religion des immigrés. Depuis 40 ans, ceux qui entrent sont en effet très majoritairement musulmans. Or, cette religion n’a pas fait l’objet d’écrasement par l’Etat comme la religion catholique (interdiction des congrégations sous la Révolution, déportation de milliers de prêtres réfractaires au bagne de Cayenne, exécution sommaire… puis plus tard, interdiction de tout prosélytisme, de toute immixtion dans la sphère publique, loi de 1905 dépossédant l’Eglise de ses biens…).

Pour tout dire, le dogme de l’universalisme a conduit l’Etat a s’interdire de critiquer quoi que ce soit (le mode de vie de l’immigré, c’est sa liberté). On a préféré fermer les yeux sur les contradictions idéologiques entre le monde musulman et la conception de l’Etat… Une contradiction lourde de conséquences…

Car l’absence de contrôle des entrées, les régularisations massives de clandestins, le nombre d’étrangers devenu excessif dans de nombreux quartiers, leur absence d’intégration (autre dogme : la France ne devait pas imposer sa culture), le développement d’un communautarisme d’opposition au pays hôte, tout cela a saturé dans les faits et médiatiquement la conscience des Français et leur vie quotidienne. Le tout avec un système politique incapable de faire face à ses contradictions (gauche et droite).

L’apparition de l’islamisme arrive ainsi au pire moment qui soit. La question du voile, du burkini et de toute autre démonstration visuelle d’une pratique de l’Islam qui choque, n’aurait pas dû soulever de problème. Si l’immigration n’était pas aussi nombreuse et peu assimilée, si le personnel politique ne s’était pas laissé enfermé dans des dogmes contradictoires paralysants, le fait que quelques excentriques préférassent prendre leur bain de mer entièrement couvertes, aurait dû provoquer l’hilarité générale plutôt que l’indignation. Mais d’un épiphénomène sans conséquence (et relevant de la liberté individuelle), on en a fait un casus belli au titre même de la liberté ! Car il fallait évidemment que le discours dogmatique fût réactivé concernant les vertus de l’Etat à contraindre, fût-ce contre elles-mêmes les musulmanes à abandonner leur rites pour la laïcité jugée meilleure (mais au nom de quoi ?).

Voilà donc le fond même de l’incapacité de notre système politique à faire face aux questions de notre temps. A trop s’être arc-bouté sur des principes construits sans tenir compte de l’empirisme de l’Histoire et de la réalité de la culture du pays, nous ne sommes plus en mesure de poser les problèmes en termes objectifs. A défaut de pouvoir évoquer clairement le problème du nombre de musulmans en France, on préfère se scandaliser pour la servitude de ces pauvres femmes sous la burqa.

Mais la servitude réelle, c’est celle de ne pas pouvoir aborder les questions qui font problème par le mécanisme d’une idéologie qui encadre la réflexion… au nom de la liberté…

Et on retrouve ce système encadré pour toutes les questions de notre temps (économiques, sociales, culturelles, identitaires).

Or, je ne vois aucun des candidats potentiels ou déjà déclarés, prêts à aborder les grandes questions de notre société au travers d’une réflexion totalement libre. Tant que nous aurons une pensée serve, entretenue par une classe dirigeante ayant la même formation, et des lieux d’influence qui entretiennent le même pensée (et dont tant d’hommes et de femmes politiques font partie), rien ne pourra évoluer…

 

 

L’exercice de l’autorité s’incarne ou se déconsidère

Bruno Le Maire : « Je n’ai pas de respect pour François Hollande » (Le Figaro, 30/10/2016)

Le respect dû au titulaire du pouvoir est évidemment un devoir ex ante, qui s’appuie sur le principe de légitimité et de loyauté. Mais lorsque ledit titulaire du pouvoir falsifie à ce point la fonction et se livre à des confidences qui nuisent à l’image de ce qu’il représente (la France ne lui appartient pas ; il ne peut confondre l’incarnation d’une fonction et la subjectivité de son psychisme), il perd le droit au respect.
L’autorité procède d’une reconnaissance symbolique, du domaine du non-dit, relevant de l’intériorisation d’un système normatif. On exige des citoyens qu’ils acceptent l’autorité sans la passer au risque de leur jugement. Mais pour qu’une telle subordination puisse être acceptée, une contrepartie est indispensable : Le titulaire du pouvoir doit se livrer à sa fonction.
Que l’on ait un point de vue purement politique et stratégique (Machiavel) ou que l’on érige l’autorité à l’aune de valeurs morales (Kant) ou encore que l’on cherche à faire coïncider le pouvoir temporel avec les Commandements de Dieu (Saint Augustin), la question de l’incarnation du pouvoir reste centrale et son défaut totalement rédhibitoire.
Le livre des confidences de François Hollande s’inscrit malheureusement dans cette perspective.

Google + : Jean-Pierre Bernardin

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