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Présidentielles 2017 – Entre stupefaction, incrédulité et rejet, les Français n’ont plus rien à perdre

La campagne pour les élections présidentielles a mis en évidence un système politique français à bout de souffle, et ce, à tous les niveaux d’analyse. La situation est à cet égard préoccupante et dangereuse. Préoccupante, car de cette élection devront sortir les instances du pouvoir exécutif, puis législatif le mois suivant, qui prendront des décisions cruciales concernant l’Europe, l’adaptation économique, le chômage de masse et la cohésion de la société, ce qui ne saurait être envisageable par le truchement de l’amateurisme ou de l’expérience fantaisiste. Dangereuse, parce que les déséquilibres dont la France est victime, du fait de politiques inadaptées, inefficaces et pour tout dire coupables, menées depuis des décennies, et singulièrement lors de ce quinquennat malheureux qui s’achève dans la déconfiture la plus totale, tendent à précipiter notre pays dans la zone de relégation de la scène internationale, et de laquelle il sera presque impossible de sortir.

Je voudrais à cet égard prendre quelques éléments qui me paraissent notables comme autant de signes de l’appauvrissement de la pensée politique de la France.

  1. Le système des primaires

Il y a encore quelques mois, il était considéré comme un modèle de démocratie (la référence à la démocratie étant, dans la bouche des médias, l’alpha et l’oméga de la perfection d’un système).

La réalité est terriblement différente : Aucun des deux vainqueurs, à gauche comme à droite, n’est, à deux semaines de l’élection, en mesure de se retrouver au second tour.

Ce système est porteur, en lui-même d’une pathologie irrécusable : Le candidat doit radicaliser son discours à l’intérieur de son propre camp pour avoir l’espoir de l’emporter en se démarquant des autres. Puis ensuite, à peine élu, il doit entamer une campagne cette fois nationale, sur un programme évidemment beaucoup plus recentré. Cela porte un nom, la schizophrénie… L’écart que le candidat est condamné à combler, alors qu’il en a été lui-même à l’origine est une gageure et abaisse considérablement sa crédibilité. Benoît Hamon est minoritaire au PS, et ne cessera pas de l’être. A peine l’élection présidentielle passée, il pourra considérer que sa carrière politique s’est achevée. Et pourtant, il fut le grand gagnant de sa primaire. François Fillon – je reviendrai infra sur les affaires – est inaudible au niveau national sur une mesure telle que celle de supprimer 500 000 fonctionnaires. Peu importe de la justesse et de l’opportunité du chiffre, il ne peut être élu sur une telle mesure. Or, elle lui a permis de mobiliser son électorat lors de la primaire.

Tout cela ne s’explique, en dernière instance, que par le mode de scrutin de ces pseudo-élections. Seuls vont voter ceux qui entendent les discours radicaux. Il faut être motivé pour voter à la primaire, car l’enjeu n’est évidemment pas celui de l’élection nationale. Ainsi, les programmes forts sont sur-représentés, par rapports aux modérés. Fillon passe devant Juppé non parce que la majorité des électeurs des Républicains est convaincue par son programme, mais parce que son propre électorat s’est déplacé en nombre. Mais la masse des électeurs de la droite est moins ancrée dans une logique de rupture que dans celle de l’adaptation. Le corps électoral de droite, composé des cadres, chefs d’entreprise, salariés plutôt bien payés, n’est pas révolutionnaire. Elle ne cherche pas les politiques d’électro-chocs, mais une facilitation du besoin perpétuel de modernité caractéristique de la société de consommation.

On a entendu que la primaire à droite était un grand succès grâce à ses 4 millions de votants. C’est une imposture intellectuelle. Le corps électoral en France est de 44,8 millions de personnes en 2016 (source INSEE). Aux élections présidentielles de 2012, en ne prenant en compte que les suffrages exprimés (votants et défalqués des blancs et nuls), les électeurs étaient 35,6 millions à voter. Nicolas Sarkozy obtint 9,7 millions de voix au premier tour. Aux primaires, Fillon obtint au second tour 2,9 millions de voix, c’est à dire 8,1% de la masse moyenne des votants en France, et surtout à peine 30% des votants de Sarkozy de 2012. On voit donc bien que la légitimité des primaires est extrêmement faible, quoi qu’on entende au sein des partis considérés.

Les primaires on un désavantage supplémentaire. Les combats politiques les plus violents ont lieu à l’intérieur même des partis, lorsque le choix des candidats doit se faire. On a cru naïvement qu’en s’en remettant à un vote, cela assurerait au vainqueur le soutien des perdants, grâce à l’onction électorale. Il n’en est évidemment rien. Au contraire, car la mise à égalité des candidats lors de la confrontation, aiguise les ambitions et ne donne pas envie de courber l’échine même après la défaite, alors que la soumission au chef naturel s’accepte grâce au poids du système. Evidemment, encore faut-il qu’il y ait un chef naturel…

En tout état de cause, les primaires sont une erreur manifeste qui pèse lourdement dans la campagne. Elles accentuent le délitement du discours politique.

2. Le portrait global des cinq candidats « crédibles »

Ce qui me navre le plus dans cette élection, ce n’est pas la victoire possible de certains candidats, mais la faiblesse coupable de l’ensemble des postulants.

Marine Le Pen, à force de vouloir donner au Front National ses lettres d’honorabilité, en est venue à un programme décousu, illogique et contradictoire. Economiquement très à gauche (cela depuis que le gros de ses troupes est issu du monde ouvrier), son programme est la négation de ce qu’il était les années passées : libéral. Il s’est par ailleurs enrichi de la thématique de la sortie de l’Union européenne, et cite évidemment le Brexit comme le gage de réussite. Un détail pourtant devrait interpeller : Le Brexit n’a pas encore eu lieu… La décision a été prise mais les conséquences sont encore largement inconnues. Quant à revenir au franc… Qui donc peut croire à une telle mascarade ? Nous avons bien autre chose à faire que de perdre plusieurs années à détricoter un système qui n’est pas nocif en soi, mais seulement par ce que l’on en fait.

Les questions identitaires au FN se sont soudainement limitées à l’islamisme. Comme si l’incurie des banlieues, les zones de non-droit, les classes constituées à 100% d’étrangers dans certains quartiers, les ravages de ces millions de personnes oisives et déstructurées, la violence quotidienne et au final l’abandon des pouvoirs publics, pouvaient se résumer à la question islamique. Or, Marine Le Pen croit avoir la solution : la laïcité. La France est un pays qui a déjà et malheureusement pour elle, fait oeuvre, dans son Histoire, d’une idéologie anti-religieuse inadmissible. L’idée d’en rajouter une couche pour lutter contre le monde musulman, me paraît à proprement parler inadéquate.

Emmanuel Macron concentre sur lui toutes les inadaptations du système politique. Il en est la quintessence. Depuis 40 ans, les présidents ont tous marqué un écart considérable entre le discours de campagne (assis sur un programme toujours plein d’ambition) et la réalité. Sarkozy et Hollande en sont les archétypes. Ils déçoivent dès leur arrivée et montrent qu’ils n’auront été bons qu’en tant que candidats. Emmanuel Macron – il faut lui reconnaître cette vertu – ne nous prend pas au dépourvu. On sait dès maintenant qu’il ne ferait rien s’il était élu. Pour preuve, l’absence de programme. On reste dans le flou, histoire de ne contrarier personne. On préfère les déclarations de bons sentiments du type « je vous aime furieusement » plutôt que d’entrer dans la réalité d’un programme de gouvernement. Un coup à droite, un coup à gauche, on contente tous ceux qui n’ont pas d’idées – et ils sont nombreux en France. Mais pour faire quoi, une fois arrivé au pouvoir ? Rien, évidemment. Les Français sont tellement dégoûtés de la politique qu’ils vont probablement se laisser tenter. La sidération sera pour les lendemains qui déchantent.

François Fillon avait le mérite d’avoir un programme cohérent et qui sortirait la France de son inaction hollandaise. On peut regretter des excès dans certaines mesures, des approximations, des revirements au gré des circonstances (notamment le temps du passage des primaires à la vraie campagne). Mais l’essentiel y était. Même s’il n’est pas bon pédagogue : Au lieu de sortir un chiffre brut de 500 000 fonctionnaires, ce qui a eu le don de faire frémir la majorité des familles françaises qui compte au moins un fonctionnaire en son sein, il fallait de suite le décliner entre les trois fonctions publiques et entre les administrations ainsi que rappeler qu’il ne s’agira pas de jeter les agents hors de leur bureau… Force est de reconnaître cependant, que c’est le programme le plus abouti et le plus cohérent.

Ce qui est évidemment déterminant pour se faire une opinion sur François Fillon, c’est la question des affaires. Il fut un temps où l’enveloppe qui était octroyée aux députés pour la rémunération de leurs assistants était libre d’utilisation. S’il restait un reliquat, le député conservait la somme. Si il se passait d’assistant, il gardait tout. Légalement. Mais une réforme a modifié ce système généreux mais dispendieux : Désormais, le député qui n’utilise pas toute son enveloppe doit restituer le reliquat. Voilà bien un manque à gagner pour un personnel politique dont la vie publique et les conséquences privées (réceptions, dîners, voyages…) coûtent très cher. L’indemnité de fonction est largement insuffisante au moins pour les « ténors ». Alors on cumule avec des mandats locaux, on prend tous les postes rémunérés. Rien n’y suffit. Il en faut toujours plus. Le train de vie d’une personne politique de premier plan est considérable. Il est tentant alors, tenant chaque mois le relevé de compte sur lequel apparaît le virement de la rémunération des assistants, de considérer que c’est de l’argent à soi. Comme la loi ne le permet pas, on s’accommode de la règle en embauchant le conjoint… et comme aucune disposition ne précise le travail qui doit être accompli par les assistants, il n’est pas difficile de comprendre de quelle manière le système s’accomplit.

François Fillon aurait pu dire « Je vous fais le serment que la rémunération de Pénélope est légale et correspond à un vrai travail ». Il ne l’a pas dit. Il a seulement précisé : « Jamais les juges ne pourront démontrer que l’emploi de mon épouse était fictif ». Ah ! la sémantique, quand tu nous tiens !

François Fillon a commencé sa campagne par des accents de moralité qui étaient les bienvenus dans un monde politique qui s’en échappe outrageusement. En précisant qu’il est catholique, il bouscule avec raison cette pratique mortifère bien française de faire la guerre à la foi. Mais les affaires sont là… Et pour un moralisateur, y être confronté est un défi presque impossible. Peut-être que s’il avait eu, un temps au moins, une activité professionnelle réelle (privée ou même publique) il aurait eu une autre démarche. Mais élu député à 27 ans et ne vivre que de ses mandats locaux et nationaux pendant 40 ans… est-ce bien raisonnable ?

Benoît Hamon est assurément le dindon du système. Il n’avait rien demandé. Petit frondeur sans envergure, avec un programme plus proche des idées socialistes des années 70 que des perspectives des années à venir (taxer les transactions financières, manipuler les chiffres du déficit en enlevant les dépenses d’investissement (!), régler le problème des prisons… en les vidant, privilégier le recrutement des femmes dans les postes supérieurs de l’administration – le critère sexe primant sur la compétence -, et évidemment, dépenser à tour de bras l’argent que l’Etat n’a plus depuis longtemps) , il ne s’attendait pas à être vainqueur de la primaire. Les raisons sont les mêmes que pour Fillon : La radicalité déplace les foules. Mais les perdants de la primaire de la « belle alliance » (ça ne s’invente pas de telles énormités), ont fait exploser en plein vol un parti qui ne sait toujours pas s’il doit se considérer comme anti-capitaliste ou pas. Les oppositions sont irréconciliables. Entre Valls et Hamon, c’est un monde qui les sépare. Certes, Valls a surtout montré à quel point il était mauvais perdant. Il s’était tellement persuadé qu’il n’y avait que lui de légitime, qu’il s’est mis à haïr le pauvre Hamon sans retenue et devant les caméras… A quoi servent les primaires si c’est pour ensuite passer son temps à délégitimer le vainqueur ?

Le programme de Benoît Hamon est terriblement médiocre. Le revenu universel est une douce plaisanterie qui n’est même pas porté par les militants. Afficher comme conduite du changement, la perspective de l’oisiveté rémunérée relève d’une pauvreté intellectuelle affligeante. Le reste est vieux, gauchisant à souhait, sorti des cartons archivés depuis longtemps. La France irait-elle mieux avec un tel régime ? Qui peut le croire ?

Jean-Luc Mélenchon est l’intellectuel présumé. Du moins est-ce là ce qu’il aimerait faire croire. Pourtant, ce n’est pas la liste de ses diplômes qui nous en convaincra, ni la fulgurance de sa pensée. Certes, il a évolué depuis cinq ans, à n’en pas douter. J’avais eu à son endroit, quelques mots très durs concernant ses prises de position révolutionnaires systématiques, litaniques, surabondantes, déversées dans une logorrhée qui amusait les médias mais qui fossilisait la parole de gauche. Cette fois-ci, il cherche l’ouverture et donc doit montrer que son rouge a rosi. Il est cependant décevant sur un point : Que l’on détestât ou non ses prises de position, on ne pouvait auparavant lui refuser une vertu, celle de ne pas céder aux verbiage politique circonstanciel. Or, cette année lui est fatale sur ce point. Tout en enrobant ses discours de sa faconde inimitable, il montre que son principal travail consiste à faire de la politique, c’est à dire à se positionner pour capter des voix sans se préoccuper de cohérence ou de vertu. Désormais il ratisse large comme d’autres arpentent les boulevards.

Sur son programme, quand on le lit en détail, on est confondu par tant d’inepties grossières et dangereuses. Tout pour la dépense… ce devrait être son adage. Il croit encore à la fable économique qui pronostique que c’est par la demande que la croissance arrive. Cela n’a jamais fonctionné. En 1981, Mitterrand y a cru également… mais en 1984, le demi-tour fut radical. Dans un contexte de marge de manoeuvre budgétaire, on pourrait se laisser convaincre. Mais la dette de l’Etat est abyssale désormais. Même si le déficit annuel semble à peu près contenu (encore que les budgets ne sont pas exécutés en équilibre, et que seul un suréquilibre annuel pourrait diminuer la dette globale), le stock de la dette est vertigineux. La France va perdre de sa crédibilité sue la scène internationale à court terme. Tous les Etats ont compris qu’une entité nationale n’échappait pas à la règle comptable de l’équilibre. Pour exercer des choix politiques, il faut en avoir les moyens. Mélenchon ignore tout cela, comme toute pensée de gauche qui impose les dogmes hors-sol.

3. La conclusion est amère

Sur 11 candidats, deux sont trotskistes, soit 18% de l’offre politique, alors qu’ils représentent 2% de l’opinion.

Les 5 plus petits candidats sont ridicules. Ils aboient autant qu’ils peuvent pour compenser la légèreté de leurs idées. Le système qui les admet est coupable.

Le niveau des débats est effroyablement bas. Il ne correspond absolument pas à la position de la France comme 6ème puissance mondiale. Les candidats souffrent d’un manque de prise de hauteur qui les condamne à des propos de café du commerce. Personne n’a abordé la question du long terme. La France ne peut être gouvernée par programme de cinq ans. Il y a des décisions qui doivent être prises à des horizons bien plus longs, mais qui nécessitent au préalable, que soit discuté le devenir national. Chacun y va de son catalogue de mesures démagogiques, dans l’air du temps, marketing, racoleuses. Lors du débat à 11, ce ne fut que cacophonie. Alignés et vantant leur programme, ils me firent penser irrésistiblement aux marchands ambulants devant leurs étals, cherchant à retenir l’attention des passants par de fines phrases ciselées : « Ah qu’ils sont beaux mes poireaux ! », « Venez goûter mes fromages ! »…

Les instituts de sondage prévoient tous un taux d’abstention très élevé.

La disqualification de François Fillon

Je me contenterai de réagir à un article d’Alexis Feertchak paru dans le Figaro version internet du 5/2/2017.

Loin de moi l’idée de confondre une accusation et une condamnation. Mais les faits sont têtus… et l’affaire bien mal engagée notamment depuis l’interview de Pénélope Fillon…

On hésite entre la tragédie grecque et le pathos romantique pour qualifier la situation dans laquelle se trouve François Fillon. Acclamé par le peuple de droite lors des primaires, positionné comme la figure de l’alternance inévitable consécutive à la déconfiture annoncée d’un parti socialiste moribond, ce n’est pas du costume d’un candidat à l’élection présidentielle dont il s’est vêtu, mais directement de celui de futur président.

Et voilà que la sale affaire ruine d’un seul coup une telle prédestination.

Pour un homme politique, se faire élire est la seule source de légitimité. Quand il est possible comme dans ce cas, d’anticiper la victoire avec autant de sérénité, c’est un élixir de bonheur. La fin tragique d’une telle perspective du fait d’un événement externe est vécue comme un rapt, une dépossession inique, une trahison.

L’animal politique ne peut alors se résigner si vite. Il en appelle au peuple, invente une persécution, refuse de quitter la place en s’accrochant aux rideaux…

Et dans son for intérieur, il finit même par croire au roman de sa victimisation, comme si le fond de l’affaire ne comptait plus, comme si l’accusation de s’être s’octroyé plus de 800 000 euros de revenus supplémentaires sans cause ne devait pas avoir d’impact sur le brillant destin déjà touché du doigt.

Ce que François Fillon oublie, dans sa dramaturgie, c’est qu’il est lui-même responsable de cette situation.

 

François Hollande exhorte les Français à être optimistes… Comme un médecin supplierait son patient de guérir sans lui prescrire de thérapie…

Ce site n’est pas un site politique dans l’acception triviale du terme. Comme vous l’avez constaté, je me garde bien d’y commenter la vie politique et les déclarations de son personnel. S’il m’arrive cependant de m’arrêter sur des séquences politiques, c’est au regard de deux axes principaux : L’axe philosophique (car, évidemment, la politique est un lieu de praxis philosophique et de mise en oeuvre idéologique) et l’axe de la science politique (analyses des rapports de force, résultats électoraux…).

Il n’y avait donc peu de chance de trouver ici un commentaire de la déclaration de François Hollande au soir du 31 décembre… Pourtant, je crois que l’on peut en dire quelque chose…

Globalement, les commentaires de la presse concernant les voeux de François Hollande pour l’année 2015, sont assez homogènes : Il est fait état du volontarisme affiché du Chef de l’Etat pour sortir la France de la sinistrose et du défaitisme. Et de conclure sous forme de question, avec un brin de condescendance, sur le potentiel de crédibilité du pauvre homme à renverser son impopularité même après des envolées d’encouragement.

Or, précisément ce discours de motivation a quelque chose de surprenant…

Je ne reviendrai pas sur la forme… Définitivement piètre orateur, François Hollande continue de cacher ses difficultés à engendrer un discours fluide par ses éternelles anaphores exténuantes pour ses auditeurs (« La France, c’est… »).

Mais n’est-ce pas tout à fait symptomatique de l’indigence de la réflexion et de l’action politiques, que de considérer que tout ce qu’un président est à même de proposer, se résume dans des rappels des quelques réussites françaises de l’année écoulée en soutien de son exhortation de la population à ne pas courber l’échine, à redevenir optimiste, à se persuader que tout va bien… alors que le taux de chômage continue de croître, qu’aucun signe d’amélioration économique ne se dessine et que le climat sociologique du pays est dramatiquement pré-révolutionnaire… ?

Qui est responsable du mauvais moral des Français ? Est-ce une propension génétique qui nous donnerait un goût exagéré pour le romantisme ? Ou est-ce qu’une population, livrée à elle-même, dont on a défiguré le pays par des abandons d’idéaux au profit d’un positivisme réducteur, désespérée de se voir privée de toute motivation, n’a guère d’autres choix que de s’étioler, à mesure notamment qu’elle perd toute identité ?

En cette occurrence, les encouragements de François Hollande ont une coloration misérable et outrancière. N’est-ce pas aux politiques de donner les conditions de la vie bonne au peuple qui leur a confié la gouvernance ? Que penserait-on d’un médecin qui exhorterait son patient gravement affecté à retrouver sa bonne santé au prétexte qu’il y des gens qui se portent bien ?

Un personnel politique sous influence et sans lien avec la société

Il ne se passe quasiment plus un mois sans qu’une nouvelle affaire politique n’éclate. Celle concernant François Fillon et Jean-Pierre Jouyet témoigne du niveau délétère atteint par le système politico-institutionnel actuel.

Ce site n’ayant pas de vocation politicienne, je ne fais que rarement de commentaires sur une actualité largement relayée par les médias.

Toutefois, on ne peut pas passer indéfiniment sous silence l’extrême fragilisation de l’Etat qui résulte de ces affaires en cascades. Elles doivent nous inviter à considérer le système de gouvernance de notre pays comme irrémédiablement atteint par un mal résultant d’une dérive sociétale mortifère. Plusieurs éléments peuvent en effet être mis en avant à cet égard :

1. Le personnel politique n’a plus aucun sens de l’Etat. Ses compromis systématiques avec les médias l’ont affaibli au point d’apparaître de plus en plus comme sous influence. Majorité comme opposition se composent d’individualités dépourvues de tout esprit d’abnégation devant la charge qui incombe lorsque l’on exerce le pouvoir.

2. Les luttes intestines des hommes d’Etat ne datent pas d’hier, certes. L’Histoire nous montre qu’à toutes les époques, les enjeux de pouvoir ont occupé les grands personnages et leur ont souvent fait prendre des décisions néfastes pour l’intérêt général. Mais le système actuel, en généralisant la compétition au sein d’une classe politique surabondante, dépourvue la plupart du temps de toute morale et agissant exclusivement sous la pression du calendrier électoral, a érigé comme norme indépassable une guerre de conquête totalement déconnectée des enjeux du service de l’Etat.

3. La classe politique est composée d’individus n’ayant plus aucun contact – ou ne l’ayant jamais eu – avec la société civile. On a fabriqué des professionnels de la politique grâce au cumul des mandats et aux réélections sans fin. Cela a abouti à créer des carrières complètes basées sur un unique objectif : celui de se maintenir coûte que coûte, ou pour les plus ambitieux, à chercher la marche suivante. L’échec est inenvisageable pour des personnes qui n’on jamais eu d’autre activité.

4. La communication a pris le pas sur le fond. Le court terme est recherché pour la satisfaction de l’image instantanée qui se répand sans fin dans un monde désormais réduit au champ vectoriel de la médiatisation. Le personnel politique entretient des relations de dépendance avec les journalistes, car on n’existe désormais que par le flux médiatique.

5. L’écart entre les hommes politiques d’il y a 50 ans et ceux d’aujourd’hui interpelle sur une évolution affaiblissant sans cesse la réflexion sur les grands enjeux de société, la qualité des débats, la vision d’avenir. Les gouvernements actuels sont essentiellement composés de personnes dont la pauvreté du discours analytique est patente.

Tous ces manquements peuvent être corrigés, car ils portent en eux-mêmes les réponses indispensables. Mais la structure de l’Etat est ainsi faite qu’elle participe à sa propre inertie la rendant incapable de se réformer. Si nous ne sortons pas de cette spirale au plus vite, la société est menacée d’effondrement. Certains envisagent une fin de régime. Mais l’absence d’alternative risque de conduire au chaos.

Une analyse politique des élections européennes et une mise en perspective

Les résultats des élections européennes ont suscité tous les commentaires possibles, et le plus souvent, assez justement, d’ailleurs, quant ils l’étaient de la part des politologues et politistes. Le personnel politique, malheureusement, a depuis bien longtemps cessé de produire un discours analytique, se contentant de pétitions de principes et de stéréotypes très en deçà de la situation.

Toutefois, l’analyse des résultats, réduite à une photographie des données numériques ou à des rapports de force politiques – quelle qu’en soit sa pertinence – ne peut rendre compte à elle seule de l’importance extrême du drame qui se noue dans notre pays, de scrutins en scrutins. Mais à dire vrai, ce niveau de réflexion réclamé par un nombre toujours plus grand d’intellectuels, nécessite un profond et inusuel questionnement de la destinée de la France en tant que peuple, dans ses occurrences culturelles, historiques, intellectuelles, et en tant que nation parmi les autres nations, d’abord européenne, mais incluse dans une mondialisation dont on ne sait toujours pas s’il faut s’y résigner, la souhaiter ou s’en extraire.

Je voudrais esquisser ici quelques idées force concernant ces questions, en commençant par un commentaire des résultats.

1. Pour une lecture dépassionnée des résultats électoraux du 25 mai

Certes, il serait bien peu crédible de tenter de minorer les résultats du Front National. A 25% et 24 sièges, il est de loin le vainqueur de ces élections.

Toutefois, il convient de replacer ce scrutin dans un contexte d’analyse. Depuis au moins deux décennies, les élections européennes connaissent des résultats toujours en marge des scrutins nationaux. Deux raisons président à cela : Qu’on le veuille ou non, les élections européennes ne sont pas considérées comme de premier ordre. Les hommes politiques qui s’y présentent sont généralement dépourvus de mandat parlementaire national ; les campagnes électorales se singularisent essentiellement par un recentrage systématique des débats sur la sphère nationale ; Les électeurs eux-mêmes considèrent cette entité européenne comme lointaine et peu incarnée ; la multiplication des micro listes dont certaines frisent le ridicule, relativise encore l’enjeu. Un tel contexte favorise clairement un certain détachement, une désinvolture dans le vote, voire même une tendance au défoulement. Dès lors, il convient de prendre avec une certaine précaution les résultats – quels qu’ils soient. Du reste, le taux d’abstention toujours extrêmement élevé est un élément supplémentaire de relativisation. Le scrutin de liste supra-régional supprime toute identification des élus et contribue à une abstraction considérable. L’acte électoral ne prend pas la même importance lorsqu’il est effectué pour un candidat connu, local ou national ou pour une liste de noms souvent inconnus. La supra-régionalité ne correspond à aucune entité géographique singulière et renforce encore cette impression de peu d’importance.

A cela s’ajoute le fait que le vote de la France ne concerne que 74 députés sur un parlement qui en compte 766. A moins de 10%, l’inconscient collectif suppose naturellement (alors même que la réalité est autre) que la voix de la France sera en quelque sorte inaudible. Même s’il est entendu que les parlementaires européens ne sont pas élus pour défendre les intérêts de leur pays, les électeurs n’ignorent pas que les intérêts nationaux ne sont jamais bien loin, et que les conseils européens démontrent que les positions défendues sont le plus souvent nationales. Or, le peu d’intérêt pour une élection rend plus indifférent le résultat et plus probable le vote défouloir.

Si on agrège l’ensemble de ces données (faible participation, faible enjeu ressenti, notions européennes mal assimilées, quasi-absence de personnalités politiques de premier plan parmi les élus), les résultats ne peuvent être interprétés comme un tableau réaliste des rapports de force politiques dans l’opinion publique. Je ne dis absolument pas cela dans le but de relativiser les conséquences de la nette prédominance du Front National (comme le personnel politique a tendance à le faire de manière tout à fait déplorable). Mais la seule évocation des résultats chiffrés comme fait politique serait également une erreur fondamentale.

Au demeurant, il convient également de tenir compte des conséquences en termes de représentation des forces politiques au sein de la nouvelle assemblée. Or, le Front national est une force politique exclusivement française, contrairement à l’UMP ou au PS, que l’on peut assimiler aisément aux autres partis européens (démocrates Chrétiens, sociaux démocrates, libéraux…). Par la nature même de son identification politique, le FN représente des intérêts exclusivement nationaux.

Il s’avère même que son influence ne sera que très marginale puisqu’il ne semble pas pouvoir constituer un groupe à défaut d’être parvenu à s’allier avec le parti anglais UKIP.

La majorité au Parlement européen ne s’est donc pas trouvée modifiée par l’arrivée de contingents nationalistes de plusieurs Etats membres, puisque ce sont toujours les deux partis traditionnels du PPE (plutôt à droite) et le PSE (socialiste) qui se taillent la part du lion.

En d’autres termes, si la victoire du Front National est importante et doit nous donner l’occasion de nous interroger sur l’évolution du système politico-institutionnel français, nous ne pouvons pas en conclure qu’il est désormais le premier parti de France à la seule analyse des résultats de ce scrutin. Aucun changement n’étant par ailleurs à attendre du fonctionnement des instances européennes… on peut en conclure que le vacarme médiatique consécutif à ces résultats n’était pas réaliste.

Mais je crois que les leçons que l’on peut en tirer ne sont pas celles du champ de la science électorale. On peut en effet analyser les résultats dans une autre perspective, celle de la structuration de la nation française. Et en cette occurrence, nous pouvons alors considérer que l’évolution en cours renferme les germes d’une rupture à venir.

2. Mise en perspective des résultats au-delà du champ de la science électorale

Les scores de l’UMP et du PS signent la désillusion manifeste des Français à l’égard de formations politiques jugées de plus en plus incapables d’assurer la prospérité de la France. En effet, pour des partis qui entendent représenter l’essentiel du champ politique, obtenir de tels scores confine à l’humiliation. De scrutins en scrutins, nous assistons à la fois à une augmentation significative de l’abstentionnisme et du vote sanction, non contre un parti, mais contre un système, un personnel, une doctrine politiques.

Trop de commentateurs politiques ont encore le réflexe de se fourvoyer entre deux analyses des résultats du FN. Soit on crie au loup en évoquant les chiffres électoraux comme autant de menaces préfabriquées contre l’ordre social, la paix nationale et les institutions, en envisageant une victoire future du FN comme le début de la fin. Soit au contraire, on cherche à montrer que les électeurs du FN sont des désespérés et non des idéologues, qu’il convient en dernière analyse de convaincre de l’inanité de leur choix, que leur mauvaise humeur est à mettre sur le compte de la crise et que diminuer le nombre de chômeurs est la solution universelle.

Dans un cas comme dans l’autre, l’erreur fondamentale, à mes yeux, est de ne pas considérer le phénomène en tant que désagrégation sociétale. A force de traiter les résultats électoraux en tant que tels, sans remettre en question la capacité de la société française à produire un discours identitaire, culturel et fédérateur, à force de s’interdire d’adopter un point de vue structuraliste propre à identifier les causes intrinsèques de l’affaiblissement du contrat social, un écart est apparu entre le ressenti de la population et l’explication produite par la sphère des élites.

Durkheim découvrant la notion d’anomie dans l’explication du suicide, montre que tout individuel que soit cet acte, une corrélation existe avec l’évolution du taux de cohésion sociale. Déterminer un tel lien nécessite de s’affranchir des lieux communs. C’est le propre de la sociologie. Ce devrait être aussi celui de la science politique. Il en est de même dans l’appréciation du vote Front National. L’anomie dont la France souffre dépasse de loin la cause circonstancielle ou conjoncturelle. Elle est un affaiblissement inexorable de la confiance dont un peuple doit gratifier ses dirigeants et ses institutions. Elle procède d’une perte de repère globale.

Il n’y a plus de réponse aujourd’hui, à la question « qu’est-ce qu’être Français ? » Les politiques contournent inexorablement la question en répétant que notre identité est la démocratie, les droits de l’homme, la république, la Révolution. Non seulement cela ne nous identifie aucunement par rapport à toutes les autres nations occidentales, mais encore cette production sémantique ne vaut plus rien à l’aune d’une société privée de la structuration minimale qu’un peuple attend de l’Etat qui est le sien, à savoir, la sécurité de la vie quotidienne, les valeurs culturelles de reconnaissance entre les individus, les modes de vie infra-territoriaux différenciés et valorisés, la représentation symbolique de ce qui est positif dans l’identité nationale, la culture de l’effort de chacun au service de la communauté.

Il ne s’agit aucunement de faire l’apologie de l’enfermement du pays – il faut l’indiquer pour ne pas être mis à l’index du progressisme intellectuel – . Il suffit en revanche de considérer comment les autres nations qui nous sont proches en termes de développement, de niveau de vie, d’assise territoriale (Royaume-Uni, Allemagne…), ou sur le plan civilisationnel (Etat-Unis…) considèrent la production du discours idéologico-normatif, comment les signes de l’appartenance à une nation sont présents dans les territoires, pour se convaincre que la France a détruit l’essentiel de ce qui est le substrat identitaire d’elle-même.

Depuis la Révolution, notre pays s’est convaincu, par un discours universaliste et idéologique, que les principes philosophiques suffisaient à faire une nation, et même permettaient de rechercher par la guerre la destruction des autres formes de pouvoirs étatiques qui n’y adhéraient pas. Erreur fondamentale s’il en est. Un peuple est d’abord une somme d’individus dont la préoccupation première est leur propre vie et celle de leur proches. Or, une vie réussie, c’est une vie reposant sur des habitus, dans un cadre apaisé, avec la conscience claire de ce que l’on doit à l’Etat et le désir de lui en être reconnaissant.

Une telle évocation semble incroyable, en France, alors qu’elle est un prédicat de la conscience nationale de nos voisins et de la très grande majorité des Etats.

Les scores de plus en plus importants du Front National peuvent alors être analysés comme une réponse au mal-être d’une population déracinée de ses ancrages identitaires et culturels au profit d’un universalisme sans contenu, purement théorique et systématiquement censeur de toute spontanéité que le dogme entend extirper de la conscience individuelle par « l’éducation » et « la loi ».

C’est très exactement par cette interprétation que l’inquiétude sur l’avenir devrait être la plus grande. Car les masses déracinées sont révolutionnaires par nature.

Elections municipales : La saveur eschatologique d’un corps électoral excédé

La vie politique française semble ainsi faite que les commentaires les plus pessimistes la concernant sont toujours en dessous de la réalité.

Les années passent, les décennies s’enchaînent inéluctablement sur un désordre et une évanescence qui forcent l’écoeurement et la saturation. Les majorités se sont et se défont au gré des élections, dans une schizophrénie de la recherche d’un perpétuel au-delà inaccessible, et que la réalité ramène à sa terrible dimension médiocre d’un quotidien sans âme et sans idée.

En mai 2012, lassée par un quinquennat tumultueux, l’opinion publique voulut retrouver le calme et la rondeur d’une présidence apaisée. François Hollande n’avait de manière évidente aucune des qualités qui fondent un chef d’Etat. Certes, il est apaisant. Mais on ne gouverne pas par l’endormissement ou le statu quo. Surtout en ces temps de réforme d’un Etat totalement suranné, boulimique et en asphyxie perpétuelle. Non, il n’est pas l’homme de la situation. Et les Français n’ont guère mis plus de quelques mois pour s’en convaincre. Il a même atteint des sommets d’impopularité, comme si les échéances électorales n’étaient pas assez rapprochées, que les alternances systématiques au gré des élections ne suffisaient plus aux électeurs pour manifester leur mauvaise humeur devant le spectacle pathétique d’un pouvoir à l’agonie… fuyant ses responsabilités sur un scooter en quittant l’Elysée par une porte de service pour s’oublier dans la gaudriole.

Les présentes élections municipales ont alors été l’occasion de sanctionner cette majorité de gauche inconsistante. Et quelques résultats sont tout à fait salvifiques… détrônant des potentats locaux qui s’étaient imaginés que les municipalités ne pouvaient qu’être socialistes, exactement comme le PCF pensait, durant les années 50-80 que la couronne rouge de Paris serait immuablement communiste.

Mais avec un taux d’abstention de près de 40% et un renversement complet de majorité, moins de deux ans après la déferlante socialiste de 2012 qui avait conforté TOUTES les majorités au PS (communes, départements, régions, Assemblée Nationale, Sénat, exécutif), comment ne pas observer que ce scrutin nous renvoie le signe manifeste d’une désaffection grandissante des Français pour la politique, une défiance devant l’attitude du personnel politique, ses pitoyables mensonges électoraux, ses inconcevables reculades pour rester au pouvoir, ses abandons ou a contrario ses obstinations pour plaire à sa petite majorité ? On a voulu se consoler dans les médias, en disant que finalement, le Front National n’avait pas réalisé un score important, malgré la dizaine de villes remportée. Mais l’ancrage de ce parti, sa lente mais inéluctable poussée, sa captation d’une partie toujours plus grande des déçus des autres formations, est bien la preuve que le malaise n’est plus seulement circonstanciel, qu’il est le résultat d’un diagnostic sur l’état « médical » d’un système moribond.

Le personnel politique français n’a pas encore compris que la politique ne devait pas s’appréhender comme une carrière mais comme une charge. Il est absolument inacceptable de voir que la majorité des hommes et femmes politiques n’a jamais exercé d’autres activités et ne vit qu’aux dépens de la société en cumulant les fonctions éligibles, ou les nominations comme conseiller spécial ou à quelque emploi de circonstance dans la Fonction publique…

Il est plus que temps d’abandonner radicalement le modèle français dont on veut encore nous vanter les mérites comme pour prolonger un peu la magie de cet Etat interventionniste qui n’est au final qu’un impotent vivant très largement au-dessus de ses moyens et étouffant les Français de ses ponctions insupportables.

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Le modèle capitaliste de la mondialisation ne saurait être pris comme le totem des temps modernes. Sa déconstruction de tout idéalisme, de toute primauté des valeurs morales, pour un monde que l’on précipite aveuglément dans une course sans fin et sans but, n’a pas plus d’avenir que la médiocrité de notre système politique.

Le temps est probablement venu d’une refondation philosophique de nos sociétés, de notre modèle de développement et des structures politiques adéquates pour y parvenir. Est-ce trop demander ? Peut-être… Mais avons-nous le choix ?

 

Les abandons de la politique

Je voudrais partager un excellent article paru dans le FigaroVox le 07/03/2014 intitulé UMP, FN, PS : l’effondrement de la politique.

Nous sommes entrés, depuis déjà pas mal d’années (et malheureusement, le quinquennat de Nicolas Sarkozy y est inclus), dans une nouvelle ère. Les élites se conduisent avec aussi peu de références morales et normatives que le tout un chacun. Elles ne peuvent plus être considérées comme véhiculant les valeurs qui fondent toute société policée. La surmédiatisation en est évidemment pour quelque chose. Mais l’affaiblissement moral et l’abandon de principes supérieurs (qui doivent normalement conduire ceux qui accèdent au pouvoir à renoncer à une vie ordinaire) sont encore plus déterminants. Les hommes politiques ont renoncé depuis longtemps à la VOCATION d’homme d’Etat, pour ne plus penser qu’à leurs INTERETS PERSONNELS.
Gouverner, c’est renoncer à soi-même, c’est s’oublier au profit de la nation. C’est une charge dont le poids est immense, sans contrepartie (car les privilèges de l’exercice du pouvoir ne sont que ceux liés à la représentation de l’Etat, et non à des gratifications personnelles).
Mais dans une société où l’appât du gain, les petits avantages à acquérir et la gestion de carrière sont devenus les seules références, le personnel politique exhibé outrancièrement dans les médias et cramponné au pouvoir, s’épuise à maintenir son statut comme fin ultime et narcissique.
Les idées et les discours ne sont alors plus que le décorum d’une société superfétatoire.

Préambule pour une analyse de la question migratoire

L’Eglise célébrait le dimanche 19 janvier la 100 ème journée mondiale des migrants. Le pape François, à plusieurs reprises, s’est ému du traitement que l’Europe semblait infliger aux immigrés africains tentant désespérément de gagner les côtes italiennes de l’île de Lampedusa ou d’ailleurs. D’une manière générale, l’Eglise critique de plus en plus ouvertement les décisions prise d’abord par l’Union européenne et par les Etats membres,  en mettant l’accent sur l’inhumanité d’une politique désormais généralisée des nations occidentales tendant à refuser l’accueil d’une immigration jugée trop importante pour l’assimiler.
On ne peut qu’être interpellé par l’appel des consciences de la part de l’ Église – qui montre bien, par ailleurs son inestimable capacité à poser les questions fondamentales dont nous serions bien inspirés de considérer la valeur intrinsèque plutôt que de se livrer à une détestable marginalisation sans cause d’une instance dont on oublie que la richesse doctrinale est à l’origine de l’essentiel de nos valeurs normatives d’aujourd’hui.

Mais il convient de remettre la question des migrants dans un contexte plus global. Si immigration il y a, c’est que les grands équilibres internationaux sont rompus. Depuis une cinquantaine d’années, sous couvert de mettre un terme à la colonisation soudainement jugée détestable (et en s’interdisant de relever ce qui avait été positif, comme si RIEN ne devait être bon dans la présence européenne en Afrique et en Asie, il fut convenu, parfois très maladroitement, que tous les pays étaient souverains et pouvaient prétendre à l’universalité de leur légitimité. C’est sans nuance, avec pour seule motivation la bonne conscience de gauche que nous avons quitté tous ces pays, plus ou moins pacifiquement, plus ou moins dignement. Mais le réalisme de la politique internationale ne tarda pas à pousser les grandes nations à reprendre pied sous une autre forme, dans les pays que l’on appelait alors « tiers monde ». Les Etats-Unis et l’URSS se crurent autorisés, grâce à leur statut d’hyper-puissance, de créer autour d’eux une zone d’influence qui englobait la tutelle possible de certains Etats (Cuba, Nicaragua, Chili, Europe de l’Est…) avec toutes les dérives  qui accompagnèrent de telles politiques. Pour les Etats européens qui étaient d’anciens colonisateurs, une influence continua à s’exercer sous couvert d’une aide au développement, mais ce fut surtout le règne des négociations cachées, des pots de vin et des influences financières pas très nettes.

En définitive, à la décolonisation idéologique, il fut substituée une diplomatie de façade et de multiples malversations et corruptions.

Il faut bien convenir qu’une telle situation était loin de permettre un développement réel des économies africaines. Au rythme des gouvernements fantoches, des contrats juteux au bénéfice des officines européennes, des grands groupes ou mêmes parfois d’individus entremetteurs proches des gouvernements européens, les vraies questions passaient au second plan, laissant par ailleurs le champ de la réflexion philosophique et l’analyse politique des relations internationales vis à vis du tiers monde, aux seuls marxistes et altermondialistes. Double erreur, s’il en est, puisque la préemption de ces questions dans le cadre conceptuel d’une grille d’analyse unique (et idéologique) ainsi que les multiples affaires financières très peu claires, déclassèrent la question africaine.

Pendant ce temps, les mouvements migratoires débutèrent et s’amplifièrent très vite dans les années 70 – 80. La pauvreté des pays d’origine et le clinquant apparent des pays-cibles incitèrent de plus en plus d’individus – mais aussi de familles entières – à quitter leur misère (quand ce n’est tout simplement la famine), dans des conditions précaires pour rejoindre les pays européens. Il faut dire que les 30 glorieuses avaient fait croire à un réel Eldorado, avec un chômage quasi nul et des perspectives luxuriantes.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ce mouvement concerna également des pays comme l’Algérie dont la population avait pourtant été hostile à la présence française et avait créé un conflit de six années pour accéder à l’indépendance. Comment comprendre que dans les années qui suivirent, un flux de plus en plus important d’immigrés du Maghreb se dirigea vers la France ? La théorie de la vengeance par invasion lente que l’on entend parfois n’a aucune validité, au regard de la réalité sociologique des arrivants, véritablement désireux de s’installer et de travailler. Nous savons bien que les immigrés de la première génération ont manifesté une volonté d’intégration très forte et n’ont jamais posé de problème de rupture culturelle avec le pays d’accueil. Les questions d’identité se poseront ensuite, avec les nouvelles arrivées et les secondes et troisièmes générations.

Mais les chocs pétroliers de 1973 puis de 1979-1980 vinrent rappeler que les crises économiques étaient le talon d’Achille du capitalisme. Toutefois, la lecture marxiste et les culpabilisations idéologiques qui en sont le pendant, ont rendu impossible tout traitement objectif de la question migratoire. Toute proposition de restriction de l’immigration devint suspecte de proximité fasciste (dont la référence est désormais totémique), grâce au mécanisme de la diabolisation et de la stigmatisation d’une pensée de gauche qui pesait sur les esprits par le biais d’un discours culpabilisant. Le flux se poursuivit donc, et contrairement aux discours politiques rassurants, sans possibilité de le borner. A cela, il convient d’ajouter un état de fait lié à la règle du droit du sol : Toute naissance sur le territoire acquiert la nationalité française de facto. Une multiplication aberrante d’une immigration sans déplacement de population accrut le sentiment d’une destruction de l’identité française par impossibilité d’assimiler des centaines de milliers d’étrangers – administrativement français, mais apatrides sur le plan culturel.

Car les seules options doctrinales légitimes étant toujours d’obédiences marxistes, il devint impossible à la fois de critiquer un brassage de nationalités trop important et de proposer une politique d’intégration par assimilation de la culture française, puisque la culpabilisation incluait la dépréciation systématique de l’identité française, interdisant par la même occasion toute action d’intégration (puisque nous devions faire profil bas, et que le nationalisme était un vice de l’esprit).

Mais ces dernières années, la prise de conscience de l’impossibilité matérielle d’un accueil toujours plus important des étrangers ainsi qu’un sentiment de mal être de plus en plus fort des populations de souche ont accru les tensions entre communautés, radicalisant les discours concernant l’immigration et provoquant – un peu tard, malheureusement – des décisions gouvernementales tendant à freiner le mouvement.

De ce schéma, je considère qu’il faut retenir la responsabilité quasi exclusive des pays européens (avec une mention toute particulière pour la France). Tant sur le plan des choix politiques qu’idéologiques, le traitement de la question migratoire sut catastrophique.

En cette occurrence, il faut donc bien convenir que la position du Saint Siège est désormais cohérente au regard du poids de nos responsabilités. Mais ses conclusions sont pour le moins étonnantes. Car dans des pays où la culture nationale a subi de telles destructions dogmatiques, où la tradition judéo-chrétienne est tellement contestée, inciter à accueillir sans retenue toute la misère du monde est un suicide civilisationnel dont rêve encore l’extrême gauche – certes – mais qui n’a plus d’assise rationnelle.

L’accueil chrétien est une obligation morale de très haute portée. Nous ne pouvons l’écarter avec légèreté. Mais sa mise en oeuvre ne saurait créer des maux plus graves encore que sa non application. D’autant que secourir ces populations en errance, n’est pas les inviter à maintenir leur paupérisation dans une situation indigne dans nos propres pays. Une politique concertée au niveau européen, d’incitation au développement des pays africains, est d’une tout autre portée en termes d’aide et de secours. A cet égard, on peut avoir des regrets amers de regarder la Chine prendre pied dans ces pays pour organiser un système de production à bas coût par un esclavage moderne (comme en Ethiopie), mais dont la présence massive risque de ralentir la mission européenne. Nous avons beaucoup à oeuvrer pour une telle perspective. Mais de grâce… que cela ne soit défini que par des gouvernements aux qualités morales avérées…

La politique n’a plus sa place dans le piètre spectacle des temps modernes

Les mois passent. Chaque jour ou presque apporte une désillusion supplémentaire à une population saturée par une politique qui n’a plus de légitimité. De tous les engagements de François Hollande, quels sont ceux qui ont été appliqués et qui ne sont pas couverts par la controverse, la polémique ou l’échec notoire ?

La crise a désormais bon dos… Quand elle est partout ailleurs en voie de résorption, comment les pouvoirs publics peuvent-ils toujours s’y référer comme  la cause de tous les maux ? Dans un pays qui compte encore parmi les plus grande nations du monde, le niveau de nos hommes politiques est de moins en moins en adéquation avec le travail demandé. A force de surenchère électorale, d’ambitions personnelles et de fausses compétences, nous n’avons plus pour nous gouverner que d’excellents compétiteurs… qui ne sont finalement que de piètres gestionnaires sans vision politique à long terme.

Le chômage augmente encore au mois de novembre… mais le Gouvernement continue de se fendre de communiqués sur la victoire à venir contre le chômage. Car seule la communication a de l’importance, aujourd’hui. Elle est à la base de la crédibilité superficielle. Il suffit d’affirmer plus haut et plus fort que les autres pour obtenir la légitimité. La parade de l’illusion s’inscrit désormais dans tous les aspects de la communication. Il faut des jeunes et des femmes au Gouvernement car cela fait dynamique et moderne… et tant pis s’ils sont sans expérience ; Il faut ménager tous les courants du parti majoritaire en piochant les ministres dans toutes les tendances… et fi des incompatibilités, des surenchères, des querelles et des noms d’oiseaux…

Entendons-nous bien : la critique que je formule ne concerne pas seulement l’actuel gouvernement, bien qu’il semble désormais cumuler les handicaps et les erreurs. C’est une tendance déjà observée sous les présidences Chirac et Sarkozy. Il y a une véritable mutation des hommes politiques ces vingt dernières années, sans doute trop sensibles à une société qui, ayant perdu ses repères et son identité, et totalement immergée dans un consumérisme qui modèle jusqu’à la façon de penser des individus, s’en remet ipso facto au « commercial » de la politique le plus adroit… pour ne pas dire pire.

Nous avons perdu le sens du mot politique. La gestion de la Cité ne peut se résumer à une recherche exclusive de la basse flatterie électorale et des compromis toujours a minima. La politique n’est pas cette comédie sur fond de sondage et de perspectives de conquête ou de maintien sur les sièges du pouvoir que l’on veut nous imposer. La politique réclame un esprit d’abnégation, une volonté de se consacrer aux affaires de la Cité sans rien attendre en retour sinon le plaisir du travail accompli. Jean Jaurès, Léon Blum, le général de Gaulle, Georges Pompidou, étaient de cette race de politiques. On peut être pour ou contre leurs idées politiques, mais on doit respecter en eux la passion pour la chose publique et les vertus d’un engagement d’une vie.

Alors que les questions fondamentales ne cessent de se poser à nous avec une acuité toujours plus dense – choix dans la mondialisation, compétitivité de nos entreprises, stratégie de positionnement économique, problèmes éminents de l’identité de notre pays, stratégie de Défense, chômage de masse insupportable, déficit budgétaire et dette publique, empilement des structures publiques, gabegie financière de l’argent public… nous nous contentons encore de la superficialité des élus locaux et nationaux qui entretiennent des discours redondants et superfétatoires sonnant creux.

Je ne crois pas que ces problèmes puissent être résolus par une alternance électorale. Ils révèlent une crise majeure de la société, dont on recherche le consensus « mou », et à laquelle on suggère qu’il n’y a pas d’autre réalité possible que celle dont on continue de nous vanter les mérites, contre les évidences.