Réflexions pour un avenir

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Le rejet des politiques de gestion sans envergure

Sans préjuger des résultats du second tour de la primaire de gauche, mais en relevant simplement que les perspectives de Benoît Hamon sont assez positives, une première leçon peut être tirée du portrait type des candidats à l’élection présidentielle.

Il apparaît en effet que le corps électoral français – et sans doute est-il envisageable d’étendre ce constat à un certain nombres de pays occidentaux – cherche à promouvoir des politiques ayant un support doctrinal affirmé. Les Français sentent, sans doute confusément au regard de l’éparpillement des convictions, qu’il convient de demander aux gouvernants un peu plus d’engagement que la gestion des affaires courantes en réclame. Les propos que l’on entend parfois tels que « la mondialisation est inévitable », « la politique doit s’adapter », « on a tout essayé », « ce n’est pas de notre faute, c’est l’Union européenne »… ainsi que le pragmatisme dont font preuve tous les gouvernants qui passent (mais qui préfèrent le mot de « réalisme » pour se justifier), ne sont plus audibles.

L’absence de conviction de François Hollande (alors qu’il fut un pourfendeur idéologique en nommant ses ennemis durant la campagne de 2012), l’attitude de Manuel Valls gérant les affaires courantes sans idées directrices, au gré des circonstances et de la marche du monde, la déception créée par le peu de résultats du bilan de Nicolas Sarkozy, lui aussi très en verve pour les joutes électorales mais finalement renonçant aux réformes de fond, offrent un tableau de dix années d’immobilisme et de défaite de la pensée.

Or, les électeurs se souviennent de tout et ne supportent plus l’incapacité de nos dirigeants à maintenir un cap, appuyé sur des idées fortes. Le consensus mou, la gestion à la petite semaine ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est l’élément encourageant qui ressort de ce constat. Car il est encourageant de considérer que les Français réclament des idées s’incarnant dans leur histoire. La somnolence engendrée par la ritournelle des aveux d’impuissance a porté la France dans un état réellement inquiétant.

Certes, toutes les idées – contrairement à ce qui est prétendu – ne se valent pas. Il n’y a pas qu’une affaire d’opinion dans les choix politiques profonds qui engagent une nation de l’importance de la France. Mais, je ne veux y voir dans un premier temps – dans cette tendance du peuple à réclamer des politiques structurées par des grandes orientations sociétales – qu’une belle affirmation qu’on ne peut pas continuer à ignorer que fondamentalement, le choix politique n’est pas un choix de gestion, mais une option à dimension philosophique.

Les idées développées par Benoît Hamon sont nettement étrangères à la notion de « réalisme politique » que promet Manuel Valls pour justifier le quinquennat irréaliste auquel nous avons été confronté. Le revenu universel, à lui seul est une option qui est très fortement connotée (et je le redis, mon propos n’est pas ici de débattre de ces idées).

François Fillon a développé un programme qui est dit de rupture, ce qui n’est pas, en l’occurrence, un terme galvaudé. Il a mis en avant sa foi chrétienne, ce qui est inédit dans l’histoire politique de la Vème République, et même antérieurement.

Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il est contre le système. Sa présence à elle seule, sans l’appui d’un parti, en refusant toute entente avec le PS ou les Républicains, ses propos eux aussi de rupture, sa personnalité, lui donnent au moins en apparence l’image d’un changement potentiel radical dans le paysage politique.

Marine Le Pen représente bien évidemment l’archétype du positionnement politique structuré par des principes fondamentaux.

En regard de ces quatre figures, les Français ont aussi considéré qu’ils ne voulaient pas d’un second mandat de François Hollande, qu’ils ne voulaient pas non plus d’un retour de Nicolas Sarkozy (dont je répète qu’il faut distinguer le discours des actes), pas plus que de celui d’Alain Juppé, emblématique de la politique du juste milieu.

La marche du monde est une source d’inquiétude forte pour les nations occidentales. L’essentiel des principes qui sous-tendent les décisions politiques et qui constituent la matrice de la vie des peuples, repose sur le libéralisme économique. Débarrassé de toute autre dimension, le dogme libéral réclame toujours moins de valeurs normatives qui sont des freins au consumérisme décomplexé. Or, la vie des hommes ne peut se résumer à la seule consommation qui tiendrait lieu de principe moral et à l’épuisement de l’être dans le paraître.

Mieux vaut encore des idées contestables qui animent les débats et permettent la contradiction, que l’absence de toute idée qui annihile la grandeur de l’homme.

 

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Que signifie l’élection de Donald Trump ?

L’élection de Donald Trump peut être lue de manière purement électoraliste, ainsi qu’au regard des peurs de la société. Mais ces commentaires passent désormais en boucle dans les médias. Il me semble bien inutile d’y ajouter quoi que ce soit. Ce serait de l’enfermement dogmatique… Peu importe donc les heureux et les malheureux qui se répandent sur les réseaux sociaux. Ils ne nous donnent rien de la réalité des mouvements de fond des sociétés occidentales.

Je vous propose deux articles qui essaient de prendre le champ nécessaire. C’est à une refondation philosophique que nous sommes appelés. Rien de moins…

Le premier est celui du sociologue canadien Mathieu Bock Côté publié dans le Figaro de mercredi 9 novembre et intitulé «La révolution Trump est une forme de référendum antisystème»

Le second est un article que j’ai fait paraître sur le site d’information Basting News, et intitulé « Election de Donald Trump : Une signification bien plus grande que sa dimension électorale« .

Bonne lecture.

Les lassitudes idéologiques d’une vieille nation européenne

De déceptions en désillusions, les alternances politiques laissent de plus en plus perplexes une masse électorale encline à se détourner en quelques mois à peine de ceux qu’elle a portés aux nues par la magie du bulletin de vote. La prise de conscience de l’aspect très artificiel des programmes politiques et de leur inapplicabilité dans la pratique, crée un contexte négatif et pessimiste au sein d’une population déjà fragilisée par la crise et les mauvaises nouvelles économiques. La confiance dans la politique pour résoudre ces problèmes s’en trouve évidemment écornée gravement et la recherche d’alternatives extrêmes, fortement tentantes.

Les tensions internationales, toutes éloignées qu’elle peuvent être de la vie courante de l’immense majorité des Français, accentuent cependant un sentiment d’insécurité générale, relayée par les questions de la fongibilité de l’islam dans la société. Enfin, la question de notre identité nationale n’ayant jamais été clairement posée, la France apparaît de moins en moins capable de s’imposer sur la scène internationale.

Ces constats ne sont en rien inédits. Ils sont désormais repris comme des éléments incontournables de l’analyse politique et sociétale.

En revanche, l’analyse des causes est très loin du consensus. Car après avoir énoncé que les politiques n’étaient plus capables de proposer des projets de société structurants, les réflexes d’appartenance partisane resurgissent dès qu’il faut émettre un jugement sur l’origine des problèmes. Mais qu’il s’agisse du progressisme de gauche qui se perd par une fuite en avant dans l’idéologie de la destruction de la morale et du capitalisme, ou du libéralisme de droite qui se perd tout autant dans la fuite en avant d’une productivité indéfinie et sans autre but que l’accroissement de sa puissance, les diagnostics ne nous enseignent plus rien d’autre qu’une irréductible destruction de la richesse de l’homme au profit de son utilitarisme idéologique.

J’aimerais évoquer deux causes principales peu reprises par les médias mais qui m’apparaissent pourtant déterminantes.

  1. Une société a besoin de cadres normatifs clairement exprimés et assumés. Les déconstructions philosophiques du XXème siècle ont eu le tort de considérer que seul le relativisme avait une réalité. A trop vouloir s’attaquer aux idées en les soupçonnant d’avoir des souterrains inavouables, et en ayant abordé la société moderne par le regard nietzschéen de ce toujours plus sans fin et sans cause, nous avons oublié que la critique des idées… était aussi une idéologie. On ne peut agréger une population, la rendre collectivement cohérente et lui donner l’envie de participer à sa propre histoire tout en lui susurrant sans cesse que tout se vaut et que la société est une entrave à la liberté individuelle. Car on semble un peu vite oublier que sans la cohésion nationale, sans la structure étatique, 60 millions d’individus livrés à eux-mêmes dépériraient en quelques années.
  2. La seconde cause est pendante de la première. La France, comme tous les grands pays européens, depuis les traumatismes des deux conflits mondiaux, ne veut plus assumer de posture de combat avec les autres Etats. Cela est vrai sur le plan militaire mais aussi – et surtout – sur le plan idéologique et commercial. Les pays de la vieille Europe n’ont plus aucun goût pour l’affrontement. On rechigne à parler de guerre économique, on traîne des pieds à s’armer, on renonce à lutter contre les attaques industrielles des pays émergents… Mais une telle lassitude est aussi la marque des vaincus, de ceux qui renoncent à ce qu’ils sont et qui ne peuvent au final endiguer la déferlante des autres nations – Chine, pays émergents, USA… – persuadées, elles,  que tout est combat. Ne pas lutter, c’est aussi admettre qu’on n’a rien à défendre, que rien ne vaut la peine du  sacrifice. C’est en cela que l’absence d’identité claire redevient en surbrillance. Il faut croire en quelque chose pour accepter le sacrifice.

Il y a quelques jours, nous commémorions le 11 novembre 1918. Si la guerre s’était déroulée dans la France d’aujourd’hui, que serions-nous devenus ?

Sans une réelle refondation de la société autour de valeurs partagées et fortement structurées sur une identité qui n’oublie pas le passé, la France est un pays en voie de régression définitive.