Réflexions pour un avenir

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Le rejet des politiques de gestion sans envergure

Sans préjuger des résultats du second tour de la primaire de gauche, mais en relevant simplement que les perspectives de Benoît Hamon sont assez positives, une première leçon peut être tirée du portrait type des candidats à l’élection présidentielle.

Il apparaît en effet que le corps électoral français – et sans doute est-il envisageable d’étendre ce constat à un certain nombres de pays occidentaux – cherche à promouvoir des politiques ayant un support doctrinal affirmé. Les Français sentent, sans doute confusément au regard de l’éparpillement des convictions, qu’il convient de demander aux gouvernants un peu plus d’engagement que la gestion des affaires courantes en réclame. Les propos que l’on entend parfois tels que « la mondialisation est inévitable », « la politique doit s’adapter », « on a tout essayé », « ce n’est pas de notre faute, c’est l’Union européenne »… ainsi que le pragmatisme dont font preuve tous les gouvernants qui passent (mais qui préfèrent le mot de « réalisme » pour se justifier), ne sont plus audibles.

L’absence de conviction de François Hollande (alors qu’il fut un pourfendeur idéologique en nommant ses ennemis durant la campagne de 2012), l’attitude de Manuel Valls gérant les affaires courantes sans idées directrices, au gré des circonstances et de la marche du monde, la déception créée par le peu de résultats du bilan de Nicolas Sarkozy, lui aussi très en verve pour les joutes électorales mais finalement renonçant aux réformes de fond, offrent un tableau de dix années d’immobilisme et de défaite de la pensée.

Or, les électeurs se souviennent de tout et ne supportent plus l’incapacité de nos dirigeants à maintenir un cap, appuyé sur des idées fortes. Le consensus mou, la gestion à la petite semaine ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est l’élément encourageant qui ressort de ce constat. Car il est encourageant de considérer que les Français réclament des idées s’incarnant dans leur histoire. La somnolence engendrée par la ritournelle des aveux d’impuissance a porté la France dans un état réellement inquiétant.

Certes, toutes les idées – contrairement à ce qui est prétendu – ne se valent pas. Il n’y a pas qu’une affaire d’opinion dans les choix politiques profonds qui engagent une nation de l’importance de la France. Mais, je ne veux y voir dans un premier temps – dans cette tendance du peuple à réclamer des politiques structurées par des grandes orientations sociétales – qu’une belle affirmation qu’on ne peut pas continuer à ignorer que fondamentalement, le choix politique n’est pas un choix de gestion, mais une option à dimension philosophique.

Les idées développées par Benoît Hamon sont nettement étrangères à la notion de « réalisme politique » que promet Manuel Valls pour justifier le quinquennat irréaliste auquel nous avons été confronté. Le revenu universel, à lui seul est une option qui est très fortement connotée (et je le redis, mon propos n’est pas ici de débattre de ces idées).

François Fillon a développé un programme qui est dit de rupture, ce qui n’est pas, en l’occurrence, un terme galvaudé. Il a mis en avant sa foi chrétienne, ce qui est inédit dans l’histoire politique de la Vème République, et même antérieurement.

Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il est contre le système. Sa présence à elle seule, sans l’appui d’un parti, en refusant toute entente avec le PS ou les Républicains, ses propos eux aussi de rupture, sa personnalité, lui donnent au moins en apparence l’image d’un changement potentiel radical dans le paysage politique.

Marine Le Pen représente bien évidemment l’archétype du positionnement politique structuré par des principes fondamentaux.

En regard de ces quatre figures, les Français ont aussi considéré qu’ils ne voulaient pas d’un second mandat de François Hollande, qu’ils ne voulaient pas non plus d’un retour de Nicolas Sarkozy (dont je répète qu’il faut distinguer le discours des actes), pas plus que de celui d’Alain Juppé, emblématique de la politique du juste milieu.

La marche du monde est une source d’inquiétude forte pour les nations occidentales. L’essentiel des principes qui sous-tendent les décisions politiques et qui constituent la matrice de la vie des peuples, repose sur le libéralisme économique. Débarrassé de toute autre dimension, le dogme libéral réclame toujours moins de valeurs normatives qui sont des freins au consumérisme décomplexé. Or, la vie des hommes ne peut se résumer à la seule consommation qui tiendrait lieu de principe moral et à l’épuisement de l’être dans le paraître.

Mieux vaut encore des idées contestables qui animent les débats et permettent la contradiction, que l’absence de toute idée qui annihile la grandeur de l’homme.

 

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La double légitimité des « stars » : Idées de gauche et paillettes…

Des « personnalités » disent « stop au Hollande-bashing » (JDD du 19/11/2016)

Voici un exemple notable de confusion des esprits :
Des artistes, sportifs, personnalités diverses etc… nous gratifient d’une « déclaration » s’indignant contre le « Hollande-bashing ».
Mais que représentent ces gens ? Leur déclaration bénéficie de la super-médiatisation due à leur starisation. Est-ce-là leur légitimité ? Est-ce intéressant et intellectuellement pertinent de savoir que Juliette Binoche ou Catherine Deneuve, ou encore Agnès B défend le bilan de François Hollande ?
La déclaration énumère les prétendues victoires du quinquennat et décrète ex abrupto que François Hollande a une stature d’homme d’Etat. Mais à chaque énumération, il est possible de considérer qu’il ne s’agit pas là d’une réussite mais au contraire d’une erreur (comme les créations de poste dans l’Education Nationale) et qu’en fait de stature, on est en droit d’être circonspect.
Mais voilà… la société dans laquelle nous sommes est désormais envahie par la superficialité et la légitimité à paillettes… Eh bien, pour ma part, je considère que cette question est plus importante que celle du cantonnement du déficit budgétaire, de l’âge de la retraite ou du mariage des homosexuels. Pourtant, elle ne sera pas dans les programmes des candidats de 2017…

L’exercice de l’autorité s’incarne ou se déconsidère

Bruno Le Maire : « Je n’ai pas de respect pour François Hollande » (Le Figaro, 30/10/2016)

Le respect dû au titulaire du pouvoir est évidemment un devoir ex ante, qui s’appuie sur le principe de légitimité et de loyauté. Mais lorsque ledit titulaire du pouvoir falsifie à ce point la fonction et se livre à des confidences qui nuisent à l’image de ce qu’il représente (la France ne lui appartient pas ; il ne peut confondre l’incarnation d’une fonction et la subjectivité de son psychisme), il perd le droit au respect.
L’autorité procède d’une reconnaissance symbolique, du domaine du non-dit, relevant de l’intériorisation d’un système normatif. On exige des citoyens qu’ils acceptent l’autorité sans la passer au risque de leur jugement. Mais pour qu’une telle subordination puisse être acceptée, une contrepartie est indispensable : Le titulaire du pouvoir doit se livrer à sa fonction.
Que l’on ait un point de vue purement politique et stratégique (Machiavel) ou que l’on érige l’autorité à l’aune de valeurs morales (Kant) ou encore que l’on cherche à faire coïncider le pouvoir temporel avec les Commandements de Dieu (Saint Augustin), la question de l’incarnation du pouvoir reste centrale et son défaut totalement rédhibitoire.
Le livre des confidences de François Hollande s’inscrit malheureusement dans cette perspective.

François Hollande exhorte les Français à être optimistes… Comme un médecin supplierait son patient de guérir sans lui prescrire de thérapie…

Ce site n’est pas un site politique dans l’acception triviale du terme. Comme vous l’avez constaté, je me garde bien d’y commenter la vie politique et les déclarations de son personnel. S’il m’arrive cependant de m’arrêter sur des séquences politiques, c’est au regard de deux axes principaux : L’axe philosophique (car, évidemment, la politique est un lieu de praxis philosophique et de mise en oeuvre idéologique) et l’axe de la science politique (analyses des rapports de force, résultats électoraux…).

Il n’y avait donc peu de chance de trouver ici un commentaire de la déclaration de François Hollande au soir du 31 décembre… Pourtant, je crois que l’on peut en dire quelque chose…

Globalement, les commentaires de la presse concernant les voeux de François Hollande pour l’année 2015, sont assez homogènes : Il est fait état du volontarisme affiché du Chef de l’Etat pour sortir la France de la sinistrose et du défaitisme. Et de conclure sous forme de question, avec un brin de condescendance, sur le potentiel de crédibilité du pauvre homme à renverser son impopularité même après des envolées d’encouragement.

Or, précisément ce discours de motivation a quelque chose de surprenant…

Je ne reviendrai pas sur la forme… Définitivement piètre orateur, François Hollande continue de cacher ses difficultés à engendrer un discours fluide par ses éternelles anaphores exténuantes pour ses auditeurs (« La France, c’est… »).

Mais n’est-ce pas tout à fait symptomatique de l’indigence de la réflexion et de l’action politiques, que de considérer que tout ce qu’un président est à même de proposer, se résume dans des rappels des quelques réussites françaises de l’année écoulée en soutien de son exhortation de la population à ne pas courber l’échine, à redevenir optimiste, à se persuader que tout va bien… alors que le taux de chômage continue de croître, qu’aucun signe d’amélioration économique ne se dessine et que le climat sociologique du pays est dramatiquement pré-révolutionnaire… ?

Qui est responsable du mauvais moral des Français ? Est-ce une propension génétique qui nous donnerait un goût exagéré pour le romantisme ? Ou est-ce qu’une population, livrée à elle-même, dont on a défiguré le pays par des abandons d’idéaux au profit d’un positivisme réducteur, désespérée de se voir privée de toute motivation, n’a guère d’autres choix que de s’étioler, à mesure notamment qu’elle perd toute identité ?

En cette occurrence, les encouragements de François Hollande ont une coloration misérable et outrancière. N’est-ce pas aux politiques de donner les conditions de la vie bonne au peuple qui leur a confié la gouvernance ? Que penserait-on d’un médecin qui exhorterait son patient gravement affecté à retrouver sa bonne santé au prétexte qu’il y des gens qui se portent bien ?

Elections municipales : La saveur eschatologique d’un corps électoral excédé

La vie politique française semble ainsi faite que les commentaires les plus pessimistes la concernant sont toujours en dessous de la réalité.

Les années passent, les décennies s’enchaînent inéluctablement sur un désordre et une évanescence qui forcent l’écoeurement et la saturation. Les majorités se sont et se défont au gré des élections, dans une schizophrénie de la recherche d’un perpétuel au-delà inaccessible, et que la réalité ramène à sa terrible dimension médiocre d’un quotidien sans âme et sans idée.

En mai 2012, lassée par un quinquennat tumultueux, l’opinion publique voulut retrouver le calme et la rondeur d’une présidence apaisée. François Hollande n’avait de manière évidente aucune des qualités qui fondent un chef d’Etat. Certes, il est apaisant. Mais on ne gouverne pas par l’endormissement ou le statu quo. Surtout en ces temps de réforme d’un Etat totalement suranné, boulimique et en asphyxie perpétuelle. Non, il n’est pas l’homme de la situation. Et les Français n’ont guère mis plus de quelques mois pour s’en convaincre. Il a même atteint des sommets d’impopularité, comme si les échéances électorales n’étaient pas assez rapprochées, que les alternances systématiques au gré des élections ne suffisaient plus aux électeurs pour manifester leur mauvaise humeur devant le spectacle pathétique d’un pouvoir à l’agonie… fuyant ses responsabilités sur un scooter en quittant l’Elysée par une porte de service pour s’oublier dans la gaudriole.

Les présentes élections municipales ont alors été l’occasion de sanctionner cette majorité de gauche inconsistante. Et quelques résultats sont tout à fait salvifiques… détrônant des potentats locaux qui s’étaient imaginés que les municipalités ne pouvaient qu’être socialistes, exactement comme le PCF pensait, durant les années 50-80 que la couronne rouge de Paris serait immuablement communiste.

Mais avec un taux d’abstention de près de 40% et un renversement complet de majorité, moins de deux ans après la déferlante socialiste de 2012 qui avait conforté TOUTES les majorités au PS (communes, départements, régions, Assemblée Nationale, Sénat, exécutif), comment ne pas observer que ce scrutin nous renvoie le signe manifeste d’une désaffection grandissante des Français pour la politique, une défiance devant l’attitude du personnel politique, ses pitoyables mensonges électoraux, ses inconcevables reculades pour rester au pouvoir, ses abandons ou a contrario ses obstinations pour plaire à sa petite majorité ? On a voulu se consoler dans les médias, en disant que finalement, le Front National n’avait pas réalisé un score important, malgré la dizaine de villes remportée. Mais l’ancrage de ce parti, sa lente mais inéluctable poussée, sa captation d’une partie toujours plus grande des déçus des autres formations, est bien la preuve que le malaise n’est plus seulement circonstanciel, qu’il est le résultat d’un diagnostic sur l’état « médical » d’un système moribond.

Le personnel politique français n’a pas encore compris que la politique ne devait pas s’appréhender comme une carrière mais comme une charge. Il est absolument inacceptable de voir que la majorité des hommes et femmes politiques n’a jamais exercé d’autres activités et ne vit qu’aux dépens de la société en cumulant les fonctions éligibles, ou les nominations comme conseiller spécial ou à quelque emploi de circonstance dans la Fonction publique…

Il est plus que temps d’abandonner radicalement le modèle français dont on veut encore nous vanter les mérites comme pour prolonger un peu la magie de cet Etat interventionniste qui n’est au final qu’un impotent vivant très largement au-dessus de ses moyens et étouffant les Français de ses ponctions insupportables.

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Le modèle capitaliste de la mondialisation ne saurait être pris comme le totem des temps modernes. Sa déconstruction de tout idéalisme, de toute primauté des valeurs morales, pour un monde que l’on précipite aveuglément dans une course sans fin et sans but, n’a pas plus d’avenir que la médiocrité de notre système politique.

Le temps est probablement venu d’une refondation philosophique de nos sociétés, de notre modèle de développement et des structures politiques adéquates pour y parvenir. Est-ce trop demander ? Peut-être… Mais avons-nous le choix ?

 

Les abandons de la politique

Je voudrais partager un excellent article paru dans le FigaroVox le 07/03/2014 intitulé UMP, FN, PS : l’effondrement de la politique.

Nous sommes entrés, depuis déjà pas mal d’années (et malheureusement, le quinquennat de Nicolas Sarkozy y est inclus), dans une nouvelle ère. Les élites se conduisent avec aussi peu de références morales et normatives que le tout un chacun. Elles ne peuvent plus être considérées comme véhiculant les valeurs qui fondent toute société policée. La surmédiatisation en est évidemment pour quelque chose. Mais l’affaiblissement moral et l’abandon de principes supérieurs (qui doivent normalement conduire ceux qui accèdent au pouvoir à renoncer à une vie ordinaire) sont encore plus déterminants. Les hommes politiques ont renoncé depuis longtemps à la VOCATION d’homme d’Etat, pour ne plus penser qu’à leurs INTERETS PERSONNELS.
Gouverner, c’est renoncer à soi-même, c’est s’oublier au profit de la nation. C’est une charge dont le poids est immense, sans contrepartie (car les privilèges de l’exercice du pouvoir ne sont que ceux liés à la représentation de l’Etat, et non à des gratifications personnelles).
Mais dans une société où l’appât du gain, les petits avantages à acquérir et la gestion de carrière sont devenus les seules références, le personnel politique exhibé outrancièrement dans les médias et cramponné au pouvoir, s’épuise à maintenir son statut comme fin ultime et narcissique.
Les idées et les discours ne sont alors plus que le décorum d’une société superfétatoire.

Une question de légitimité

Quand bien même aurons-nous considéré que l’étalage sur la place publique de la vie privée de nos gouvernants – et d’ailleurs de toute personne publique – n’est pas acceptable, qu’il y a une véritable indécence à flatter le voyeurisme d’une population qui se laisse aisément manipuler par des médias cyniques et enorgueillis de leur pouvoir de nuisance (qu’ils assimilent à du pouvoir en tant que tel), il est indispensable d’y revenir pour en analyser les causes et les conséquences à l’aune d’un état de fait que l’on ne peut plus ignorer.

Un irrépressible réalisme. Sans doute aurait-on voulu que les choses fussent autres. Un monde idéal dans lequel on ne cherche pas à nuire à son voisin en propageant des rumeurs, infondées ou non. Un monde où ceux qui ont les manettes de l’information ne se prétendent pas des idéologues pourfendeurs de ce qu’ils jugent eux-mêmes comme ce qui n’est pas acceptable (d’une manière totalement subjective), mais d’authentiques transmetteurs d’informations rigoureuses, sous l’égide d’une éthique d’autant plus irréprochable que la faute journalistique peut être calamiteuse pour celui qui en est victime. Mais le monde n’est pas idéal, et son imperfection est consubstantielle à l’humanité même. Et s’il faut de temps en temps appeler de ses voeux une prise de conscience morale dans une société déstructurée, il ne sert à rien de refuser de commenter ce qui est, au prétexte que ce n’est pas ce que l’on aurait aimé que cela fût. Puisque « l’affaire Hollande » existe, autant en comprendre le sens, essayer de la remettre dans un contexte et en voir les répercussions dans la société – politique, mais aussi civile.

Un triple questionnement. Puisque l’on sait que François Hollande a bien une liaison avec l’actrice Julie Gayet (le monde médiatico-politique le savait depuis au moins une année), trois questions essentielles se posent : En tant que telle, cette affaire fait-elle sens ? Quelles en sont les conséquences politiques ? Quelles conséquences sur l’état de la société ?

Cette affaire, en elle-même, a-t-elle ou non un intérêt quelconque ? Pose-t-elle un problème in abstracto ? Nous savons très bien que les sphères du pouvoir ont de tout temps été traversées par des affaires sexuelles. Les maîtresses des souverains comme celles des présidents (et du personnel politique) sont légions dans la grande Histoire comme dans la petite, depuis l’Antiquité jusqu’à… aujourd’hui. Nous n’en ferons certes pas une vertu. Mais un tel constat universaliste ne peut être balayé du revers de la main. Il ne serait pas honnête de pointer d’un doigt rageur la faute de François Hollande, dont on fustigera son amoralisme, alors qu’il faut bien convenir qu’il n’est en rien différent des autres. Nous pouvons même convenir que François Hollande nous donne enfin une première preuve qu’il est un « président normal »… Enfin, il est évident que rien ne peut justifier de s’immiscer dans l’alcôve des personnes qui nous gouvernent, sinon lorsque les faits rapportés seraient constitutifs d’une infraction pénale. On entend de-ci de-là des commentaires indiquant qu’il est normal de tout savoir sur la vie privée des personnes que l’on élit. Je crois que c’est une erreur totale. Nous savons fort bien – car c’est un trait constitutif de notre condition humaine – que notre intimité recèle parfois des zones d’ombre, des névroses et des imperfections qui ne nous empêchent pas d’avoir par ailleurs des vertus ou des mérites sur un autre plan, notamment sur celui de la capacité à gouverner. C’est un travers de notre époque moderne que de vouloir connaître l’intimité de l’autre. Mais c’est une impasse et un moyen malhonnête de dévaloriser – par exemple – nos grands auteurs, nos intellectuels (dont on tente même d’expliquer la pensée par leur psychisme) en se répandant sur leurs faiblesses présumées. Ainsi en est-il également des hommes politiques. François Hollande n’a pas commis d’acte qui justifie que l’on en fasse les gros titres des journaux (n’oublions pas qu’il n’est même pas marié !). Mais si l’acte en lui-même est d’ordre privé, il n’en est pas ainsi des conséquences intrinsèques et extrinsèques.

L’affaire étant néanmoins lancée, aura-t-telle des conséquences politiques ? De nombreux commentaires mettent en avant l’idée que la situation politique de François Hollande risque de se fragiliser encore. Pourtant un sondage indique qu’une écrasante majorité des Français ne changera pas d’avis sur François Hollande après ces révélations. On semble oublier que la cote de popularité dudit président est tellement basse que les 85 % de Français insatisfaits… ne risquent pas de changer de position avec cette affaire. Plus sérieusement, on voit mal comment, dans une société marquée par une indifférence quasi-généralisée envers toute valeur normative, on pourrait se formaliser d’une situation tellement rendue banale dans le quotidien des Français (voir en cela l’article du Figaro de de dimanche). Cela ne signifie pas que l’on doive s’en satisfaire ! Car à la crise de légitimité politique engendrée par des positions idéologiques très contestables, s’ajoutent désormais une crise de légitimité morale. Et même si les conséquences les plus lourdes sont à ranger dans la question sociétale, il me semble bien difficile de ne pas mettre en parallèle la vie privée tumultueuse de François Hollande et sa volonté quasi doctrinaire d’ouvrir le mariage aux homosexuels. Comment oublier, par ailleurs, cette phrase mémorable de la campagne présidentielle: « Moi Président, je veillerai à avoir un comportement exemplaire » ? Oui, il y a bien crise morale, du moins doit-on le supposer… Et il serait même anormal qu’en l’espèce, cela ne soit pas. Car François Hollande ne peut plus se prévaloir d’une légitimité de chef d’État. Je le répète : ce n’est pas sa liaison qui rend les choses aussi dramatiques, mais les conséquences sur le fonctionnement de l’ Etat, en termes de choix idéologiques et en termes de dissimulation de ce qu’il est lorsqu’il voulait conquérir le pouvoir.

Mais n’est-ce pas aussi toute la société qui est trompée… et qui doit assumer les errements d’un président qui pose désormais problème ? Voici donc un chef de l’ État impopulaire à souhait, qui a perdu tout soutien de la population. Désormais acculé à recentrer sa politique notamment à l’égard des entreprises, il n’a plus de cohérence et sombre dans une logique de fragilisation de la société. Réfugié un temps dans une volonté d’inflexion idéologique quasi entêtée (mariage homosexuel et probablement très vite la PMA s’il n’avait pas été arrêté par une opinion publique défavorable), il apparaît dorénavant comme celui qui se moque de toute valeur normative, de tout principe et de toute honnêteté intellectuelle. La société doit-elle s’identifier à un tel chef ? Pouvons-nous faire confiance à une telle parole ?
Puis viennent également d’autres questions, à la fois éthiques, de bon sens, et de réalité budgétaire. Alors que la France avait déjà abdiqué sur la question de la Première Dame… qui n’était liée au président que par une fiction de titre, mais qu’elle coûtait à l’ État quatre collaborateurs, une intendance, un véhicule avec chauffeur, et qu’elle bénéficiait de tout le train de vie présidentiel, la voici défaite de tout statut. A moins d’instaurer une polygamie d’Etat, on aimerait bien savoir comment ce couple à trois, sans lien autre que celui du concubinage et de la relation cachée peut se traduire en termes d’images publiques et de fonctionnement de l’Élysée. François Hollande est-il en mesure de mettre de l’ordre à tout cela ? Un comportement amoral est bien pire qu’une situation immorale. On peut rechercher la rédemption face à la seconde. Mais le premier est une absence. Une incapacité.

Il y a une profonde lassitude à considérer ces errements et ces fautes morales. On ne peut sans cesse se mordre les doigts avec fatalisme de subir un État qui ne représente pas la population.

(suite…)

La politique n’a plus sa place dans le piètre spectacle des temps modernes

Les mois passent. Chaque jour ou presque apporte une désillusion supplémentaire à une population saturée par une politique qui n’a plus de légitimité. De tous les engagements de François Hollande, quels sont ceux qui ont été appliqués et qui ne sont pas couverts par la controverse, la polémique ou l’échec notoire ?

La crise a désormais bon dos… Quand elle est partout ailleurs en voie de résorption, comment les pouvoirs publics peuvent-ils toujours s’y référer comme  la cause de tous les maux ? Dans un pays qui compte encore parmi les plus grande nations du monde, le niveau de nos hommes politiques est de moins en moins en adéquation avec le travail demandé. A force de surenchère électorale, d’ambitions personnelles et de fausses compétences, nous n’avons plus pour nous gouverner que d’excellents compétiteurs… qui ne sont finalement que de piètres gestionnaires sans vision politique à long terme.

Le chômage augmente encore au mois de novembre… mais le Gouvernement continue de se fendre de communiqués sur la victoire à venir contre le chômage. Car seule la communication a de l’importance, aujourd’hui. Elle est à la base de la crédibilité superficielle. Il suffit d’affirmer plus haut et plus fort que les autres pour obtenir la légitimité. La parade de l’illusion s’inscrit désormais dans tous les aspects de la communication. Il faut des jeunes et des femmes au Gouvernement car cela fait dynamique et moderne… et tant pis s’ils sont sans expérience ; Il faut ménager tous les courants du parti majoritaire en piochant les ministres dans toutes les tendances… et fi des incompatibilités, des surenchères, des querelles et des noms d’oiseaux…

Entendons-nous bien : la critique que je formule ne concerne pas seulement l’actuel gouvernement, bien qu’il semble désormais cumuler les handicaps et les erreurs. C’est une tendance déjà observée sous les présidences Chirac et Sarkozy. Il y a une véritable mutation des hommes politiques ces vingt dernières années, sans doute trop sensibles à une société qui, ayant perdu ses repères et son identité, et totalement immergée dans un consumérisme qui modèle jusqu’à la façon de penser des individus, s’en remet ipso facto au « commercial » de la politique le plus adroit… pour ne pas dire pire.

Nous avons perdu le sens du mot politique. La gestion de la Cité ne peut se résumer à une recherche exclusive de la basse flatterie électorale et des compromis toujours a minima. La politique n’est pas cette comédie sur fond de sondage et de perspectives de conquête ou de maintien sur les sièges du pouvoir que l’on veut nous imposer. La politique réclame un esprit d’abnégation, une volonté de se consacrer aux affaires de la Cité sans rien attendre en retour sinon le plaisir du travail accompli. Jean Jaurès, Léon Blum, le général de Gaulle, Georges Pompidou, étaient de cette race de politiques. On peut être pour ou contre leurs idées politiques, mais on doit respecter en eux la passion pour la chose publique et les vertus d’un engagement d’une vie.

Alors que les questions fondamentales ne cessent de se poser à nous avec une acuité toujours plus dense – choix dans la mondialisation, compétitivité de nos entreprises, stratégie de positionnement économique, problèmes éminents de l’identité de notre pays, stratégie de Défense, chômage de masse insupportable, déficit budgétaire et dette publique, empilement des structures publiques, gabegie financière de l’argent public… nous nous contentons encore de la superficialité des élus locaux et nationaux qui entretiennent des discours redondants et superfétatoires sonnant creux.

Je ne crois pas que ces problèmes puissent être résolus par une alternance électorale. Ils révèlent une crise majeure de la société, dont on recherche le consensus « mou », et à laquelle on suggère qu’il n’y a pas d’autre réalité possible que celle dont on continue de nous vanter les mérites, contre les évidences.

Un tableau de la France en cette fin d’année 2013

Comme il est de coutume dans tous les médias, nous pouvons profiter de cette fin d’année 2013 pour tenter de dresser un tableau de la situation de la France. 

« Comme il est de coutume« , dis-je… surtout quand ça va mal, comme nous ne pouvons qu’en faire le constat amer. Car force est de reconnaître que nous n’avons que bien peu de raison de nous satisfaire de la situation. Les sondages comme les études d’opinions ne cessent en effet de montrer le pessimisme ambiant qui règne en France depuis plus d’un an et qui ne semblent pas vouloir considérer que l’année qui vient puisse être fondamentalement différente.

Sur le plan politique, il est presque inutile d’ajouter au déferlement de critiques dont le pouvoir exécutif est désormais la cible quotidienne. François Hollande n’est pas à la hauteur de la fonction. Il a été élu à la présidence de la République par une double négation. A la primaire du parti socialiste, c’est par défaut qu’il fut élu, en tant que ventre mou des différents courants internes au parti. Et contre Nicolas Sarkozy, victime d’un rejet de l’opinion non seulement de gauche mais aussi de la branche conservatrice de l’UMP, il n’eut qu’à réciter un bréviaire d’inaction en perspective d’une présidence normale. Comme je l’avais mentionné plusieurs fois antérieurement à la présidentielle de 2012, et notamment dans un article « Petite analyse de science politique« , François Hollande avait également un avantage important sur son rival : d’une présidentielle à l’autre, on distingue nettement à quel point l’opinion publique vote tel un balancier, une fois pour un homme (et un programme) réformateur, ambitieux, prêt à vouloir engager un combat pour faire bouger les lignes, puis la fois d’après, pour un candidat consensuel, « juste milieu » comme dirait Verlaine, prompt à calmer l’inflation réformiste. Après Nicolas Sarkozy, la bonhomie hollandaise ne pouvait que faire merveille…

Mais la question politique ne s’arrête pas, loin s’en faut, à un problème de casting. Car la gestion de la crise, les économies à réaliser, les trois millions de chômeurs, la déconfiture de l’industrie nationale… ne devaient surtout pas être traitées par les vieilles lunes de l’Etat omnipotent dont on sait aujourd’hui qu’il n’aura été qu’un gaspillage du trop plein des « trente glorieuses » ainsi que la résultante d’une gauche révolutionnaire (parti communiste et affidés) déçue de n’avoir pas réussi à convaincre l’URSS en 1945 de transporter en France le paradis communiste du bloc de l’Est en constitution, et qui s’est jetée à corps perdu dans une surenchère de la prise en charge individuelle comme préalable à la destruction de la société capitaliste.

Or, toute en rondeur quelle soit, la gauche de François Hollande, totalement étrangère à l’économie réelle – à l’image d’Arnaud Montebourg qui pensait pouvoir contrecarrer les fermetures d’entreprises par la rhétorique et la présence médiatique – croit encore que l’emploi subventionné des jeunes suffit à déguiser le chômage en sortie de crise, et ne veut pas admettre que seul le dégonflement d’une fonction publique hypertrophiée peut redonner à l’Etat la capacité d’action. Et encore entendons-nous bien : la capacité de l’Etat à agir ne peut se faire que par la négative, c’est à dire par des mesures de baisse massive des impositions du secteur productif, et surtout pas par des interventions directes de redistribution.

Sur le plan sociétal, la France a connu une période tout à fait inédite depuis de longues années. La loi sur le mariage des homosexuels a en effet donné lieu à un vaste mouvement dont les acteurs principaux ne sont que peu politisés (même si, convenons-en, la grande majorité était de sensibilité de droite), ne formant donc pas un bloc idéologique homogène, et qui ont pu mobiliser des centaines de milliers de manifestants plusieurs fois en quelque mois, sans pour autant que la loi fût ajournée. De part en d’autre de la ligne de fracture entre les tenants et les opposants, il est notable d’observer qu’aucun dialogue ne fut vraiment possible. Doctrine contre doctrine, idéologie contre idéologie, philosophie contre philosophie, le champ des idées fut investi mais ne trouva aucune possibilité de dialectique, c’est à dire d’un dépassement des deux oppositions. A la liberté et l’égalité des situations juridiques invoquées par les partisans de la loi, il fut opposé une certaine image de la famille traditionnelle et de la filiation par ceux qui la contestaient. Comment pouvait-on entrevoir l’aboutissement d’une telle rupture, sinon par le célèbre adage socialiste de 1981 récité par André Laignel « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires » ?

Sur le plan de la cohésion nationale, les clivages idéologiques sont de plus en plus difficiles à observer. A une bipolarisation artificielle de l’échiquier politique (qui rendait bien service lors de la formation des majorités électorales, mais qui n’a jamais correspondu à l’état des idées politiques en France), on assiste de plus en plus à un émiettement des idées qui se traduit par une pression interne aux deux grands partis politiques (UMP et PS) de plus en plus menacés de déformation centripète, et par des clivages à géométrie variable entre des tendances et des courants très minoritaires (centristes notamment) mais dont le rapprochement circonstanciel peut conduire à des minorités de blocage. Enfin, le Front National apparaît de plus en plus comme un aggloméré de sympathisants venus de tous les courants politiques et trouvant une sorte d’exutoire à un phénomène de ras-le-bol à la fois économique et identitaire.

Au total, nous avons un tableau profondément pessimiste de la France. Il n’y a guère de sujets qui puissent être motif de satisfaction. Mais, disons-le de suite : nous devons nous interdire de croire que le malaise est engendré par des décisions de court terme et qu’il suffirait d’un changement électoral pour retrouver un âge d’or vertueux. Les questions fussent-elles politiques qui sont ici posées, nécessitent une réflexion d’ensemble approfondie, dépassant les cadres actuels des références politiques et faisant fi des idéologies mêmes dominantes.

C’est une belle exigence que nous pouvons nous donner à nous-mêmes pour l’année qui vient… Engager une réflexion pour un avenir…