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La liberté d’expression… un droit pour soi, ou une arme à sens unique contre les autres ?

L’attentat contre Charlie Hebdo a fait se lever un fort courant de sympathie pour les victimes d’un terrorisme totalement abject. Ce n’est que justice, et il est inacceptable d’entendre ici ou là des commentaires tendant à justifier de tels actes. Le mouvement populaire qui s’en suivit peut être interprété de manière optimiste, comme étant le resserrement d’un peuple autour de valeurs communes, de principes supérieurs. Le Gouvernement n’a pas tardé également à réagir avec un discours énergique, volontaire, saturant l’espace médiatique d’envolées lyriques et de bonnes intentions. Et l’Assemblée nationale s’est fendue d’une Marseillaise improvisée par des députés bravaches…

Le tout à l’avenant, dans une communion quasi unanimiste et un discours entendu.

Malheureusement, je crains qu’au final, rien de l’essentiel ne fut dit.

Je ne reviendrai pas sur la dimension « terroriste » des attentats. La condamnation la plus absolue et la réaction la plus implacable sont les seules réponses adéquates. J’ose espérer que les bonnes intentions ne resteront pas lettre morte, car ce serait un appel d’air pour de futurs candidats abrutis par leur idéologie mortifère.

Ce qui me semble en revanche devoir faire l’objet de réflexions approfondies, c’est précisément ce qui n’en donna pas lieu, comme suite à un processus utilisé en surabondance par nos sociétés modernes, et que j’appellerai « les évidences doctrinaires ». Il s’agit de la « liberté d’expression »…

Oh ! Je mesure toute l’audace dont je fais preuve en écrivant sur ce sujet ! Car, à part s’en prévaloir comme d’un totem, je n’ai rien entendu qui fût véritablement pensé… On se contente de l’invoquer avec la déférence qui sied d’avoir pour le normatif sacralisé…

La liberté d’expression est une conquête de la Révolution de 1789. Elle fut la déclinaison d’un corpus de libertés substitué à un système d’ordres et de structures dont la monarchie ne parvenait pas à se défaire, à l’inverse de ce que la Couronne britannique avait déjà réalisé.

L’expression libre des idées, ainsi  que le fait de pouvoir manifester son opposition ou ses critiques face à des décisions ou des orientations politiques, nous parait aujourd’hui aller de soi. Nous sommes attachés à la liberté de la presse, vecteur indispensable des opinions. Nous pouvons écrire et être lus, même si, avec Internet, ce peut être des inepties définitives…

Cette capacité à émettre une opinion est devenue consubstantielle des sociétés modernes. Et c’est évidemment une bonne chose.

Il y a cependant un paramètre que nous omettons souvent de préciser lorsque nous louons les principes de liberté. C’est qu’ils n’ont pas été exempts d’arrières pensées lorsqu’ils furent gravés dans le marbre des institutions. Beaucoup plus que par désir de donner des droits au plus grand nombre, ils furent une arme tournée contre des systèmes de pensée et contre la religion catholique, non pour en disputer contradictoirement les principes, mais pour en détruire leur fondement. Il ne s’est donc pas agi notamment de contester l’universalisme religieux certes largement omnipotent à cette époque, mais de chercher à saper l’idée religieuse en imposant la libre pensée comme la seule expression la plus aboutie… de la liberté.

A trop vouloir contester les principes monarchiques et l’emprise de la religion catholique sur la société, les révolutionnaires ont remplacé mutatis mutandis les dogmes de la foi par les dogmes de l’irrévérence religieuse. Est-ce là clairement l’expression d’une liberté en tant que telle ? Non, car il s’en suivit une atteinte systématique à la liberté religieuse, que le principe de laïcité a tenté vainement de camoufler au fil des décennies. Lentement, la société a laissé se développer l’idée que la foi n’était qu’une survivance quasi anachronique, que son expression devait disparaître de l’espace public, que les croyants devaient se faire discrets… La loi de 1905 est à cet égard le dernier coup de boutoir pour reléguer l’Eglise dans un statut de simple tolérance.

Privée de canaux de communication, l’Eglise ne put bénéficier des mêmes libertés d’expression que ceux qui se sont faits les chantres de l’irréligion. On lui interdit toute immixtion dans le champ du politique, tout en continuant de se moquer de tout ce qui la constitue (sa hiérarchie, ses fidèles, sa foi…).

Mais où est donc la liberté dans le fait de se moquer de la foi d’autrui ? Quel apport dans l’échange des idées que d’insulter ceux qui croient ? Aucun, bien évidemment. Ce n’est pas une réflexion qui est menée, c’est une posture idéologique de haine vis à vis du principe religieux. Car insulter par la moquerie est une forme de haine, qu’on le veuille ou pas. C’est la haine de ceux qui prétendent être suffisamment éclairés pour fouler du pied « l’obscurantisme religieux »…

Que se passerait-il si l’Eglise tenait un discours parallèle aux attaques dont elle est victime ? Si elle utilisait les capitaux d’investisseurs pour abreuver d’insultes, par titres de presse  interposés une société païenne misérable ? Ou si elle traitait le président de la République avec les termes dont se sert Charlie Hebdo pour ridiculiser le pape (représenté, par exemple avec une plume dans les fesses) ? Les cris d’orfraie ne manqueraient pas ! 

Les catholiques de France ont tant été victimes de cette violence dogmatique qu’ils en sont venus à ne plus oser avouer leur foi en public. La vraie raison de la forte baisse du nombre de croyants n’est autre que l’implacable dévalorisation de l’idée même de la croyance en Dieu. En d’autres termes, la seule liberté valorisée fut de professer son dégoût du religieux. Cela porte un nom : le sectarisme.

Or, quoi de plus contraire au vrai principe de liberté que d’écraser de mépris ceux qui confessent leur foi comme une explication des mystères de la vie ?

Charlie Hebdo est évidemment l’archétype même de cette posture dogmatique. La moquerie sous couvert de liberté, des dessins vulgaires et hostiles n’apportent strictement rien à une réflexion libre. Que chacun, en conscience ait une image positive ou négative de la religion est le fondement de la liberté de conscience. Son expression violente et publique est une attaque gratuite très discutable.

Après avoir passé des années à cracher sur l’Eglise, voici désormais que la religion musulmane est visée par l’hebdomadaire, sans cause, non pas pour contrecarrer un prosélytisme qui serait jugé déplacé (ce qui, le cas échéant, pourrait conduire à une telle réaction) , mais simplement pour affirmer en substance que toute idées religieuse est à détruire, par tout moyen, et en particulier par… la liberté d’expression… Les islamistes sont certes visés, mais c’est un prétexte, car caricaturer Mahomet emporte une attitude dogmatique d’irréligion et non de réaction vis à vis d’une intolérance religieuse.

Exposer des points de vue athées, argumenter dans le sens d’un refus de toute transcendance est un droit tout à fait évident. Mais l’ironie et le mépris ne sont en rien de ce droit.

Lorsque la liberté cesse d’être un droit pour débattre, pour affirmer son point de vue, pour réagir face à un pouvoir contestable… pour devenir le paravent d’une idéologie, en s’accaparant le principe de liberté d’expression… et en insultant autrui dans son intimité, on est en droit de s’élever contre une oppression d’autant plus méprisable qu’elle se cache derrière les termes de liberté…

Alors, en cette occurrence, vous me permettrez de conclure simplement : « Je ne suis pas Charlie ».

Préambule pour une analyse de la question migratoire

L’Eglise célébrait le dimanche 19 janvier la 100 ème journée mondiale des migrants. Le pape François, à plusieurs reprises, s’est ému du traitement que l’Europe semblait infliger aux immigrés africains tentant désespérément de gagner les côtes italiennes de l’île de Lampedusa ou d’ailleurs. D’une manière générale, l’Eglise critique de plus en plus ouvertement les décisions prise d’abord par l’Union européenne et par les Etats membres,  en mettant l’accent sur l’inhumanité d’une politique désormais généralisée des nations occidentales tendant à refuser l’accueil d’une immigration jugée trop importante pour l’assimiler.
On ne peut qu’être interpellé par l’appel des consciences de la part de l’ Église – qui montre bien, par ailleurs son inestimable capacité à poser les questions fondamentales dont nous serions bien inspirés de considérer la valeur intrinsèque plutôt que de se livrer à une détestable marginalisation sans cause d’une instance dont on oublie que la richesse doctrinale est à l’origine de l’essentiel de nos valeurs normatives d’aujourd’hui.

Mais il convient de remettre la question des migrants dans un contexte plus global. Si immigration il y a, c’est que les grands équilibres internationaux sont rompus. Depuis une cinquantaine d’années, sous couvert de mettre un terme à la colonisation soudainement jugée détestable (et en s’interdisant de relever ce qui avait été positif, comme si RIEN ne devait être bon dans la présence européenne en Afrique et en Asie, il fut convenu, parfois très maladroitement, que tous les pays étaient souverains et pouvaient prétendre à l’universalité de leur légitimité. C’est sans nuance, avec pour seule motivation la bonne conscience de gauche que nous avons quitté tous ces pays, plus ou moins pacifiquement, plus ou moins dignement. Mais le réalisme de la politique internationale ne tarda pas à pousser les grandes nations à reprendre pied sous une autre forme, dans les pays que l’on appelait alors « tiers monde ». Les Etats-Unis et l’URSS se crurent autorisés, grâce à leur statut d’hyper-puissance, de créer autour d’eux une zone d’influence qui englobait la tutelle possible de certains Etats (Cuba, Nicaragua, Chili, Europe de l’Est…) avec toutes les dérives  qui accompagnèrent de telles politiques. Pour les Etats européens qui étaient d’anciens colonisateurs, une influence continua à s’exercer sous couvert d’une aide au développement, mais ce fut surtout le règne des négociations cachées, des pots de vin et des influences financières pas très nettes.

En définitive, à la décolonisation idéologique, il fut substituée une diplomatie de façade et de multiples malversations et corruptions.

Il faut bien convenir qu’une telle situation était loin de permettre un développement réel des économies africaines. Au rythme des gouvernements fantoches, des contrats juteux au bénéfice des officines européennes, des grands groupes ou mêmes parfois d’individus entremetteurs proches des gouvernements européens, les vraies questions passaient au second plan, laissant par ailleurs le champ de la réflexion philosophique et l’analyse politique des relations internationales vis à vis du tiers monde, aux seuls marxistes et altermondialistes. Double erreur, s’il en est, puisque la préemption de ces questions dans le cadre conceptuel d’une grille d’analyse unique (et idéologique) ainsi que les multiples affaires financières très peu claires, déclassèrent la question africaine.

Pendant ce temps, les mouvements migratoires débutèrent et s’amplifièrent très vite dans les années 70 – 80. La pauvreté des pays d’origine et le clinquant apparent des pays-cibles incitèrent de plus en plus d’individus – mais aussi de familles entières – à quitter leur misère (quand ce n’est tout simplement la famine), dans des conditions précaires pour rejoindre les pays européens. Il faut dire que les 30 glorieuses avaient fait croire à un réel Eldorado, avec un chômage quasi nul et des perspectives luxuriantes.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ce mouvement concerna également des pays comme l’Algérie dont la population avait pourtant été hostile à la présence française et avait créé un conflit de six années pour accéder à l’indépendance. Comment comprendre que dans les années qui suivirent, un flux de plus en plus important d’immigrés du Maghreb se dirigea vers la France ? La théorie de la vengeance par invasion lente que l’on entend parfois n’a aucune validité, au regard de la réalité sociologique des arrivants, véritablement désireux de s’installer et de travailler. Nous savons bien que les immigrés de la première génération ont manifesté une volonté d’intégration très forte et n’ont jamais posé de problème de rupture culturelle avec le pays d’accueil. Les questions d’identité se poseront ensuite, avec les nouvelles arrivées et les secondes et troisièmes générations.

Mais les chocs pétroliers de 1973 puis de 1979-1980 vinrent rappeler que les crises économiques étaient le talon d’Achille du capitalisme. Toutefois, la lecture marxiste et les culpabilisations idéologiques qui en sont le pendant, ont rendu impossible tout traitement objectif de la question migratoire. Toute proposition de restriction de l’immigration devint suspecte de proximité fasciste (dont la référence est désormais totémique), grâce au mécanisme de la diabolisation et de la stigmatisation d’une pensée de gauche qui pesait sur les esprits par le biais d’un discours culpabilisant. Le flux se poursuivit donc, et contrairement aux discours politiques rassurants, sans possibilité de le borner. A cela, il convient d’ajouter un état de fait lié à la règle du droit du sol : Toute naissance sur le territoire acquiert la nationalité française de facto. Une multiplication aberrante d’une immigration sans déplacement de population accrut le sentiment d’une destruction de l’identité française par impossibilité d’assimiler des centaines de milliers d’étrangers – administrativement français, mais apatrides sur le plan culturel.

Car les seules options doctrinales légitimes étant toujours d’obédiences marxistes, il devint impossible à la fois de critiquer un brassage de nationalités trop important et de proposer une politique d’intégration par assimilation de la culture française, puisque la culpabilisation incluait la dépréciation systématique de l’identité française, interdisant par la même occasion toute action d’intégration (puisque nous devions faire profil bas, et que le nationalisme était un vice de l’esprit).

Mais ces dernières années, la prise de conscience de l’impossibilité matérielle d’un accueil toujours plus important des étrangers ainsi qu’un sentiment de mal être de plus en plus fort des populations de souche ont accru les tensions entre communautés, radicalisant les discours concernant l’immigration et provoquant – un peu tard, malheureusement – des décisions gouvernementales tendant à freiner le mouvement.

De ce schéma, je considère qu’il faut retenir la responsabilité quasi exclusive des pays européens (avec une mention toute particulière pour la France). Tant sur le plan des choix politiques qu’idéologiques, le traitement de la question migratoire sut catastrophique.

En cette occurrence, il faut donc bien convenir que la position du Saint Siège est désormais cohérente au regard du poids de nos responsabilités. Mais ses conclusions sont pour le moins étonnantes. Car dans des pays où la culture nationale a subi de telles destructions dogmatiques, où la tradition judéo-chrétienne est tellement contestée, inciter à accueillir sans retenue toute la misère du monde est un suicide civilisationnel dont rêve encore l’extrême gauche – certes – mais qui n’a plus d’assise rationnelle.

L’accueil chrétien est une obligation morale de très haute portée. Nous ne pouvons l’écarter avec légèreté. Mais sa mise en oeuvre ne saurait créer des maux plus graves encore que sa non application. D’autant que secourir ces populations en errance, n’est pas les inviter à maintenir leur paupérisation dans une situation indigne dans nos propres pays. Une politique concertée au niveau européen, d’incitation au développement des pays africains, est d’une tout autre portée en termes d’aide et de secours. A cet égard, on peut avoir des regrets amers de regarder la Chine prendre pied dans ces pays pour organiser un système de production à bas coût par un esclavage moderne (comme en Ethiopie), mais dont la présence massive risque de ralentir la mission européenne. Nous avons beaucoup à oeuvrer pour une telle perspective. Mais de grâce… que cela ne soit défini que par des gouvernements aux qualités morales avérées…