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Présidentielles 2017 – Entre stupefaction, incrédulité et rejet, les Français n’ont plus rien à perdre

La campagne pour les élections présidentielles a mis en évidence un système politique français à bout de souffle, et ce, à tous les niveaux d’analyse. La situation est à cet égard préoccupante et dangereuse. Préoccupante, car de cette élection devront sortir les instances du pouvoir exécutif, puis législatif le mois suivant, qui prendront des décisions cruciales concernant l’Europe, l’adaptation économique, le chômage de masse et la cohésion de la société, ce qui ne saurait être envisageable par le truchement de l’amateurisme ou de l’expérience fantaisiste. Dangereuse, parce que les déséquilibres dont la France est victime, du fait de politiques inadaptées, inefficaces et pour tout dire coupables, menées depuis des décennies, et singulièrement lors de ce quinquennat malheureux qui s’achève dans la déconfiture la plus totale, tendent à précipiter notre pays dans la zone de relégation de la scène internationale, et de laquelle il sera presque impossible de sortir.

Je voudrais à cet égard prendre quelques éléments qui me paraissent notables comme autant de signes de l’appauvrissement de la pensée politique de la France.

  1. Le système des primaires

Il y a encore quelques mois, il était considéré comme un modèle de démocratie (la référence à la démocratie étant, dans la bouche des médias, l’alpha et l’oméga de la perfection d’un système).

La réalité est terriblement différente : Aucun des deux vainqueurs, à gauche comme à droite, n’est, à deux semaines de l’élection, en mesure de se retrouver au second tour.

Ce système est porteur, en lui-même d’une pathologie irrécusable : Le candidat doit radicaliser son discours à l’intérieur de son propre camp pour avoir l’espoir de l’emporter en se démarquant des autres. Puis ensuite, à peine élu, il doit entamer une campagne cette fois nationale, sur un programme évidemment beaucoup plus recentré. Cela porte un nom, la schizophrénie… L’écart que le candidat est condamné à combler, alors qu’il en a été lui-même à l’origine est une gageure et abaisse considérablement sa crédibilité. Benoît Hamon est minoritaire au PS, et ne cessera pas de l’être. A peine l’élection présidentielle passée, il pourra considérer que sa carrière politique s’est achevée. Et pourtant, il fut le grand gagnant de sa primaire. François Fillon – je reviendrai infra sur les affaires – est inaudible au niveau national sur une mesure telle que celle de supprimer 500 000 fonctionnaires. Peu importe de la justesse et de l’opportunité du chiffre, il ne peut être élu sur une telle mesure. Or, elle lui a permis de mobiliser son électorat lors de la primaire.

Tout cela ne s’explique, en dernière instance, que par le mode de scrutin de ces pseudo-élections. Seuls vont voter ceux qui entendent les discours radicaux. Il faut être motivé pour voter à la primaire, car l’enjeu n’est évidemment pas celui de l’élection nationale. Ainsi, les programmes forts sont sur-représentés, par rapports aux modérés. Fillon passe devant Juppé non parce que la majorité des électeurs des Républicains est convaincue par son programme, mais parce que son propre électorat s’est déplacé en nombre. Mais la masse des électeurs de la droite est moins ancrée dans une logique de rupture que dans celle de l’adaptation. Le corps électoral de droite, composé des cadres, chefs d’entreprise, salariés plutôt bien payés, n’est pas révolutionnaire. Elle ne cherche pas les politiques d’électro-chocs, mais une facilitation du besoin perpétuel de modernité caractéristique de la société de consommation.

On a entendu que la primaire à droite était un grand succès grâce à ses 4 millions de votants. C’est une imposture intellectuelle. Le corps électoral en France est de 44,8 millions de personnes en 2016 (source INSEE). Aux élections présidentielles de 2012, en ne prenant en compte que les suffrages exprimés (votants et défalqués des blancs et nuls), les électeurs étaient 35,6 millions à voter. Nicolas Sarkozy obtint 9,7 millions de voix au premier tour. Aux primaires, Fillon obtint au second tour 2,9 millions de voix, c’est à dire 8,1% de la masse moyenne des votants en France, et surtout à peine 30% des votants de Sarkozy de 2012. On voit donc bien que la légitimité des primaires est extrêmement faible, quoi qu’on entende au sein des partis considérés.

Les primaires on un désavantage supplémentaire. Les combats politiques les plus violents ont lieu à l’intérieur même des partis, lorsque le choix des candidats doit se faire. On a cru naïvement qu’en s’en remettant à un vote, cela assurerait au vainqueur le soutien des perdants, grâce à l’onction électorale. Il n’en est évidemment rien. Au contraire, car la mise à égalité des candidats lors de la confrontation, aiguise les ambitions et ne donne pas envie de courber l’échine même après la défaite, alors que la soumission au chef naturel s’accepte grâce au poids du système. Evidemment, encore faut-il qu’il y ait un chef naturel…

En tout état de cause, les primaires sont une erreur manifeste qui pèse lourdement dans la campagne. Elles accentuent le délitement du discours politique.

2. Le portrait global des cinq candidats « crédibles »

Ce qui me navre le plus dans cette élection, ce n’est pas la victoire possible de certains candidats, mais la faiblesse coupable de l’ensemble des postulants.

Marine Le Pen, à force de vouloir donner au Front National ses lettres d’honorabilité, en est venue à un programme décousu, illogique et contradictoire. Economiquement très à gauche (cela depuis que le gros de ses troupes est issu du monde ouvrier), son programme est la négation de ce qu’il était les années passées : libéral. Il s’est par ailleurs enrichi de la thématique de la sortie de l’Union européenne, et cite évidemment le Brexit comme le gage de réussite. Un détail pourtant devrait interpeller : Le Brexit n’a pas encore eu lieu… La décision a été prise mais les conséquences sont encore largement inconnues. Quant à revenir au franc… Qui donc peut croire à une telle mascarade ? Nous avons bien autre chose à faire que de perdre plusieurs années à détricoter un système qui n’est pas nocif en soi, mais seulement par ce que l’on en fait.

Les questions identitaires au FN se sont soudainement limitées à l’islamisme. Comme si l’incurie des banlieues, les zones de non-droit, les classes constituées à 100% d’étrangers dans certains quartiers, les ravages de ces millions de personnes oisives et déstructurées, la violence quotidienne et au final l’abandon des pouvoirs publics, pouvaient se résumer à la question islamique. Or, Marine Le Pen croit avoir la solution : la laïcité. La France est un pays qui a déjà et malheureusement pour elle, fait oeuvre, dans son Histoire, d’une idéologie anti-religieuse inadmissible. L’idée d’en rajouter une couche pour lutter contre le monde musulman, me paraît à proprement parler inadéquate.

Emmanuel Macron concentre sur lui toutes les inadaptations du système politique. Il en est la quintessence. Depuis 40 ans, les présidents ont tous marqué un écart considérable entre le discours de campagne (assis sur un programme toujours plein d’ambition) et la réalité. Sarkozy et Hollande en sont les archétypes. Ils déçoivent dès leur arrivée et montrent qu’ils n’auront été bons qu’en tant que candidats. Emmanuel Macron – il faut lui reconnaître cette vertu – ne nous prend pas au dépourvu. On sait dès maintenant qu’il ne ferait rien s’il était élu. Pour preuve, l’absence de programme. On reste dans le flou, histoire de ne contrarier personne. On préfère les déclarations de bons sentiments du type « je vous aime furieusement » plutôt que d’entrer dans la réalité d’un programme de gouvernement. Un coup à droite, un coup à gauche, on contente tous ceux qui n’ont pas d’idées – et ils sont nombreux en France. Mais pour faire quoi, une fois arrivé au pouvoir ? Rien, évidemment. Les Français sont tellement dégoûtés de la politique qu’ils vont probablement se laisser tenter. La sidération sera pour les lendemains qui déchantent.

François Fillon avait le mérite d’avoir un programme cohérent et qui sortirait la France de son inaction hollandaise. On peut regretter des excès dans certaines mesures, des approximations, des revirements au gré des circonstances (notamment le temps du passage des primaires à la vraie campagne). Mais l’essentiel y était. Même s’il n’est pas bon pédagogue : Au lieu de sortir un chiffre brut de 500 000 fonctionnaires, ce qui a eu le don de faire frémir la majorité des familles françaises qui compte au moins un fonctionnaire en son sein, il fallait de suite le décliner entre les trois fonctions publiques et entre les administrations ainsi que rappeler qu’il ne s’agira pas de jeter les agents hors de leur bureau… Force est de reconnaître cependant, que c’est le programme le plus abouti et le plus cohérent.

Ce qui est évidemment déterminant pour se faire une opinion sur François Fillon, c’est la question des affaires. Il fut un temps où l’enveloppe qui était octroyée aux députés pour la rémunération de leurs assistants était libre d’utilisation. S’il restait un reliquat, le député conservait la somme. Si il se passait d’assistant, il gardait tout. Légalement. Mais une réforme a modifié ce système généreux mais dispendieux : Désormais, le député qui n’utilise pas toute son enveloppe doit restituer le reliquat. Voilà bien un manque à gagner pour un personnel politique dont la vie publique et les conséquences privées (réceptions, dîners, voyages…) coûtent très cher. L’indemnité de fonction est largement insuffisante au moins pour les « ténors ». Alors on cumule avec des mandats locaux, on prend tous les postes rémunérés. Rien n’y suffit. Il en faut toujours plus. Le train de vie d’une personne politique de premier plan est considérable. Il est tentant alors, tenant chaque mois le relevé de compte sur lequel apparaît le virement de la rémunération des assistants, de considérer que c’est de l’argent à soi. Comme la loi ne le permet pas, on s’accommode de la règle en embauchant le conjoint… et comme aucune disposition ne précise le travail qui doit être accompli par les assistants, il n’est pas difficile de comprendre de quelle manière le système s’accomplit.

François Fillon aurait pu dire « Je vous fais le serment que la rémunération de Pénélope est légale et correspond à un vrai travail ». Il ne l’a pas dit. Il a seulement précisé : « Jamais les juges ne pourront démontrer que l’emploi de mon épouse était fictif ». Ah ! la sémantique, quand tu nous tiens !

François Fillon a commencé sa campagne par des accents de moralité qui étaient les bienvenus dans un monde politique qui s’en échappe outrageusement. En précisant qu’il est catholique, il bouscule avec raison cette pratique mortifère bien française de faire la guerre à la foi. Mais les affaires sont là… Et pour un moralisateur, y être confronté est un défi presque impossible. Peut-être que s’il avait eu, un temps au moins, une activité professionnelle réelle (privée ou même publique) il aurait eu une autre démarche. Mais élu député à 27 ans et ne vivre que de ses mandats locaux et nationaux pendant 40 ans… est-ce bien raisonnable ?

Benoît Hamon est assurément le dindon du système. Il n’avait rien demandé. Petit frondeur sans envergure, avec un programme plus proche des idées socialistes des années 70 que des perspectives des années à venir (taxer les transactions financières, manipuler les chiffres du déficit en enlevant les dépenses d’investissement (!), régler le problème des prisons… en les vidant, privilégier le recrutement des femmes dans les postes supérieurs de l’administration – le critère sexe primant sur la compétence -, et évidemment, dépenser à tour de bras l’argent que l’Etat n’a plus depuis longtemps) , il ne s’attendait pas à être vainqueur de la primaire. Les raisons sont les mêmes que pour Fillon : La radicalité déplace les foules. Mais les perdants de la primaire de la « belle alliance » (ça ne s’invente pas de telles énormités), ont fait exploser en plein vol un parti qui ne sait toujours pas s’il doit se considérer comme anti-capitaliste ou pas. Les oppositions sont irréconciliables. Entre Valls et Hamon, c’est un monde qui les sépare. Certes, Valls a surtout montré à quel point il était mauvais perdant. Il s’était tellement persuadé qu’il n’y avait que lui de légitime, qu’il s’est mis à haïr le pauvre Hamon sans retenue et devant les caméras… A quoi servent les primaires si c’est pour ensuite passer son temps à délégitimer le vainqueur ?

Le programme de Benoît Hamon est terriblement médiocre. Le revenu universel est une douce plaisanterie qui n’est même pas porté par les militants. Afficher comme conduite du changement, la perspective de l’oisiveté rémunérée relève d’une pauvreté intellectuelle affligeante. Le reste est vieux, gauchisant à souhait, sorti des cartons archivés depuis longtemps. La France irait-elle mieux avec un tel régime ? Qui peut le croire ?

Jean-Luc Mélenchon est l’intellectuel présumé. Du moins est-ce là ce qu’il aimerait faire croire. Pourtant, ce n’est pas la liste de ses diplômes qui nous en convaincra, ni la fulgurance de sa pensée. Certes, il a évolué depuis cinq ans, à n’en pas douter. J’avais eu à son endroit, quelques mots très durs concernant ses prises de position révolutionnaires systématiques, litaniques, surabondantes, déversées dans une logorrhée qui amusait les médias mais qui fossilisait la parole de gauche. Cette fois-ci, il cherche l’ouverture et donc doit montrer que son rouge a rosi. Il est cependant décevant sur un point : Que l’on détestât ou non ses prises de position, on ne pouvait auparavant lui refuser une vertu, celle de ne pas céder aux verbiage politique circonstanciel. Or, cette année lui est fatale sur ce point. Tout en enrobant ses discours de sa faconde inimitable, il montre que son principal travail consiste à faire de la politique, c’est à dire à se positionner pour capter des voix sans se préoccuper de cohérence ou de vertu. Désormais il ratisse large comme d’autres arpentent les boulevards.

Sur son programme, quand on le lit en détail, on est confondu par tant d’inepties grossières et dangereuses. Tout pour la dépense… ce devrait être son adage. Il croit encore à la fable économique qui pronostique que c’est par la demande que la croissance arrive. Cela n’a jamais fonctionné. En 1981, Mitterrand y a cru également… mais en 1984, le demi-tour fut radical. Dans un contexte de marge de manoeuvre budgétaire, on pourrait se laisser convaincre. Mais la dette de l’Etat est abyssale désormais. Même si le déficit annuel semble à peu près contenu (encore que les budgets ne sont pas exécutés en équilibre, et que seul un suréquilibre annuel pourrait diminuer la dette globale), le stock de la dette est vertigineux. La France va perdre de sa crédibilité sue la scène internationale à court terme. Tous les Etats ont compris qu’une entité nationale n’échappait pas à la règle comptable de l’équilibre. Pour exercer des choix politiques, il faut en avoir les moyens. Mélenchon ignore tout cela, comme toute pensée de gauche qui impose les dogmes hors-sol.

3. La conclusion est amère

Sur 11 candidats, deux sont trotskistes, soit 18% de l’offre politique, alors qu’ils représentent 2% de l’opinion.

Les 5 plus petits candidats sont ridicules. Ils aboient autant qu’ils peuvent pour compenser la légèreté de leurs idées. Le système qui les admet est coupable.

Le niveau des débats est effroyablement bas. Il ne correspond absolument pas à la position de la France comme 6ème puissance mondiale. Les candidats souffrent d’un manque de prise de hauteur qui les condamne à des propos de café du commerce. Personne n’a abordé la question du long terme. La France ne peut être gouvernée par programme de cinq ans. Il y a des décisions qui doivent être prises à des horizons bien plus longs, mais qui nécessitent au préalable, que soit discuté le devenir national. Chacun y va de son catalogue de mesures démagogiques, dans l’air du temps, marketing, racoleuses. Lors du débat à 11, ce ne fut que cacophonie. Alignés et vantant leur programme, ils me firent penser irrésistiblement aux marchands ambulants devant leurs étals, cherchant à retenir l’attention des passants par de fines phrases ciselées : « Ah qu’ils sont beaux mes poireaux ! », « Venez goûter mes fromages ! »…

Les instituts de sondage prévoient tous un taux d’abstention très élevé.

La disqualification de François Fillon

Je me contenterai de réagir à un article d’Alexis Feertchak paru dans le Figaro version internet du 5/2/2017.

Loin de moi l’idée de confondre une accusation et une condamnation. Mais les faits sont têtus… et l’affaire bien mal engagée notamment depuis l’interview de Pénélope Fillon…

On hésite entre la tragédie grecque et le pathos romantique pour qualifier la situation dans laquelle se trouve François Fillon. Acclamé par le peuple de droite lors des primaires, positionné comme la figure de l’alternance inévitable consécutive à la déconfiture annoncée d’un parti socialiste moribond, ce n’est pas du costume d’un candidat à l’élection présidentielle dont il s’est vêtu, mais directement de celui de futur président.

Et voilà que la sale affaire ruine d’un seul coup une telle prédestination.

Pour un homme politique, se faire élire est la seule source de légitimité. Quand il est possible comme dans ce cas, d’anticiper la victoire avec autant de sérénité, c’est un élixir de bonheur. La fin tragique d’une telle perspective du fait d’un événement externe est vécue comme un rapt, une dépossession inique, une trahison.

L’animal politique ne peut alors se résigner si vite. Il en appelle au peuple, invente une persécution, refuse de quitter la place en s’accrochant aux rideaux…

Et dans son for intérieur, il finit même par croire au roman de sa victimisation, comme si le fond de l’affaire ne comptait plus, comme si l’accusation de s’être s’octroyé plus de 800 000 euros de revenus supplémentaires sans cause ne devait pas avoir d’impact sur le brillant destin déjà touché du doigt.

Ce que François Fillon oublie, dans sa dramaturgie, c’est qu’il est lui-même responsable de cette situation.