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Présidentielles 2017 – Entre stupefaction, incrédulité et rejet, les Français n’ont plus rien à perdre

La campagne pour les élections présidentielles a mis en évidence un système politique français à bout de souffle, et ce, à tous les niveaux d’analyse. La situation est à cet égard préoccupante et dangereuse. Préoccupante, car de cette élection devront sortir les instances du pouvoir exécutif, puis législatif le mois suivant, qui prendront des décisions cruciales concernant l’Europe, l’adaptation économique, le chômage de masse et la cohésion de la société, ce qui ne saurait être envisageable par le truchement de l’amateurisme ou de l’expérience fantaisiste. Dangereuse, parce que les déséquilibres dont la France est victime, du fait de politiques inadaptées, inefficaces et pour tout dire coupables, menées depuis des décennies, et singulièrement lors de ce quinquennat malheureux qui s’achève dans la déconfiture la plus totale, tendent à précipiter notre pays dans la zone de relégation de la scène internationale, et de laquelle il sera presque impossible de sortir.

Je voudrais à cet égard prendre quelques éléments qui me paraissent notables comme autant de signes de l’appauvrissement de la pensée politique de la France.

  1. Le système des primaires

Il y a encore quelques mois, il était considéré comme un modèle de démocratie (la référence à la démocratie étant, dans la bouche des médias, l’alpha et l’oméga de la perfection d’un système).

La réalité est terriblement différente : Aucun des deux vainqueurs, à gauche comme à droite, n’est, à deux semaines de l’élection, en mesure de se retrouver au second tour.

Ce système est porteur, en lui-même d’une pathologie irrécusable : Le candidat doit radicaliser son discours à l’intérieur de son propre camp pour avoir l’espoir de l’emporter en se démarquant des autres. Puis ensuite, à peine élu, il doit entamer une campagne cette fois nationale, sur un programme évidemment beaucoup plus recentré. Cela porte un nom, la schizophrénie… L’écart que le candidat est condamné à combler, alors qu’il en a été lui-même à l’origine est une gageure et abaisse considérablement sa crédibilité. Benoît Hamon est minoritaire au PS, et ne cessera pas de l’être. A peine l’élection présidentielle passée, il pourra considérer que sa carrière politique s’est achevée. Et pourtant, il fut le grand gagnant de sa primaire. François Fillon – je reviendrai infra sur les affaires – est inaudible au niveau national sur une mesure telle que celle de supprimer 500 000 fonctionnaires. Peu importe de la justesse et de l’opportunité du chiffre, il ne peut être élu sur une telle mesure. Or, elle lui a permis de mobiliser son électorat lors de la primaire.

Tout cela ne s’explique, en dernière instance, que par le mode de scrutin de ces pseudo-élections. Seuls vont voter ceux qui entendent les discours radicaux. Il faut être motivé pour voter à la primaire, car l’enjeu n’est évidemment pas celui de l’élection nationale. Ainsi, les programmes forts sont sur-représentés, par rapports aux modérés. Fillon passe devant Juppé non parce que la majorité des électeurs des Républicains est convaincue par son programme, mais parce que son propre électorat s’est déplacé en nombre. Mais la masse des électeurs de la droite est moins ancrée dans une logique de rupture que dans celle de l’adaptation. Le corps électoral de droite, composé des cadres, chefs d’entreprise, salariés plutôt bien payés, n’est pas révolutionnaire. Elle ne cherche pas les politiques d’électro-chocs, mais une facilitation du besoin perpétuel de modernité caractéristique de la société de consommation.

On a entendu que la primaire à droite était un grand succès grâce à ses 4 millions de votants. C’est une imposture intellectuelle. Le corps électoral en France est de 44,8 millions de personnes en 2016 (source INSEE). Aux élections présidentielles de 2012, en ne prenant en compte que les suffrages exprimés (votants et défalqués des blancs et nuls), les électeurs étaient 35,6 millions à voter. Nicolas Sarkozy obtint 9,7 millions de voix au premier tour. Aux primaires, Fillon obtint au second tour 2,9 millions de voix, c’est à dire 8,1% de la masse moyenne des votants en France, et surtout à peine 30% des votants de Sarkozy de 2012. On voit donc bien que la légitimité des primaires est extrêmement faible, quoi qu’on entende au sein des partis considérés.

Les primaires on un désavantage supplémentaire. Les combats politiques les plus violents ont lieu à l’intérieur même des partis, lorsque le choix des candidats doit se faire. On a cru naïvement qu’en s’en remettant à un vote, cela assurerait au vainqueur le soutien des perdants, grâce à l’onction électorale. Il n’en est évidemment rien. Au contraire, car la mise à égalité des candidats lors de la confrontation, aiguise les ambitions et ne donne pas envie de courber l’échine même après la défaite, alors que la soumission au chef naturel s’accepte grâce au poids du système. Evidemment, encore faut-il qu’il y ait un chef naturel…

En tout état de cause, les primaires sont une erreur manifeste qui pèse lourdement dans la campagne. Elles accentuent le délitement du discours politique.

2. Le portrait global des cinq candidats « crédibles »

Ce qui me navre le plus dans cette élection, ce n’est pas la victoire possible de certains candidats, mais la faiblesse coupable de l’ensemble des postulants.

Marine Le Pen, à force de vouloir donner au Front National ses lettres d’honorabilité, en est venue à un programme décousu, illogique et contradictoire. Economiquement très à gauche (cela depuis que le gros de ses troupes est issu du monde ouvrier), son programme est la négation de ce qu’il était les années passées : libéral. Il s’est par ailleurs enrichi de la thématique de la sortie de l’Union européenne, et cite évidemment le Brexit comme le gage de réussite. Un détail pourtant devrait interpeller : Le Brexit n’a pas encore eu lieu… La décision a été prise mais les conséquences sont encore largement inconnues. Quant à revenir au franc… Qui donc peut croire à une telle mascarade ? Nous avons bien autre chose à faire que de perdre plusieurs années à détricoter un système qui n’est pas nocif en soi, mais seulement par ce que l’on en fait.

Les questions identitaires au FN se sont soudainement limitées à l’islamisme. Comme si l’incurie des banlieues, les zones de non-droit, les classes constituées à 100% d’étrangers dans certains quartiers, les ravages de ces millions de personnes oisives et déstructurées, la violence quotidienne et au final l’abandon des pouvoirs publics, pouvaient se résumer à la question islamique. Or, Marine Le Pen croit avoir la solution : la laïcité. La France est un pays qui a déjà et malheureusement pour elle, fait oeuvre, dans son Histoire, d’une idéologie anti-religieuse inadmissible. L’idée d’en rajouter une couche pour lutter contre le monde musulman, me paraît à proprement parler inadéquate.

Emmanuel Macron concentre sur lui toutes les inadaptations du système politique. Il en est la quintessence. Depuis 40 ans, les présidents ont tous marqué un écart considérable entre le discours de campagne (assis sur un programme toujours plein d’ambition) et la réalité. Sarkozy et Hollande en sont les archétypes. Ils déçoivent dès leur arrivée et montrent qu’ils n’auront été bons qu’en tant que candidats. Emmanuel Macron – il faut lui reconnaître cette vertu – ne nous prend pas au dépourvu. On sait dès maintenant qu’il ne ferait rien s’il était élu. Pour preuve, l’absence de programme. On reste dans le flou, histoire de ne contrarier personne. On préfère les déclarations de bons sentiments du type « je vous aime furieusement » plutôt que d’entrer dans la réalité d’un programme de gouvernement. Un coup à droite, un coup à gauche, on contente tous ceux qui n’ont pas d’idées – et ils sont nombreux en France. Mais pour faire quoi, une fois arrivé au pouvoir ? Rien, évidemment. Les Français sont tellement dégoûtés de la politique qu’ils vont probablement se laisser tenter. La sidération sera pour les lendemains qui déchantent.

François Fillon avait le mérite d’avoir un programme cohérent et qui sortirait la France de son inaction hollandaise. On peut regretter des excès dans certaines mesures, des approximations, des revirements au gré des circonstances (notamment le temps du passage des primaires à la vraie campagne). Mais l’essentiel y était. Même s’il n’est pas bon pédagogue : Au lieu de sortir un chiffre brut de 500 000 fonctionnaires, ce qui a eu le don de faire frémir la majorité des familles françaises qui compte au moins un fonctionnaire en son sein, il fallait de suite le décliner entre les trois fonctions publiques et entre les administrations ainsi que rappeler qu’il ne s’agira pas de jeter les agents hors de leur bureau… Force est de reconnaître cependant, que c’est le programme le plus abouti et le plus cohérent.

Ce qui est évidemment déterminant pour se faire une opinion sur François Fillon, c’est la question des affaires. Il fut un temps où l’enveloppe qui était octroyée aux députés pour la rémunération de leurs assistants était libre d’utilisation. S’il restait un reliquat, le député conservait la somme. Si il se passait d’assistant, il gardait tout. Légalement. Mais une réforme a modifié ce système généreux mais dispendieux : Désormais, le député qui n’utilise pas toute son enveloppe doit restituer le reliquat. Voilà bien un manque à gagner pour un personnel politique dont la vie publique et les conséquences privées (réceptions, dîners, voyages…) coûtent très cher. L’indemnité de fonction est largement insuffisante au moins pour les « ténors ». Alors on cumule avec des mandats locaux, on prend tous les postes rémunérés. Rien n’y suffit. Il en faut toujours plus. Le train de vie d’une personne politique de premier plan est considérable. Il est tentant alors, tenant chaque mois le relevé de compte sur lequel apparaît le virement de la rémunération des assistants, de considérer que c’est de l’argent à soi. Comme la loi ne le permet pas, on s’accommode de la règle en embauchant le conjoint… et comme aucune disposition ne précise le travail qui doit être accompli par les assistants, il n’est pas difficile de comprendre de quelle manière le système s’accomplit.

François Fillon aurait pu dire « Je vous fais le serment que la rémunération de Pénélope est légale et correspond à un vrai travail ». Il ne l’a pas dit. Il a seulement précisé : « Jamais les juges ne pourront démontrer que l’emploi de mon épouse était fictif ». Ah ! la sémantique, quand tu nous tiens !

François Fillon a commencé sa campagne par des accents de moralité qui étaient les bienvenus dans un monde politique qui s’en échappe outrageusement. En précisant qu’il est catholique, il bouscule avec raison cette pratique mortifère bien française de faire la guerre à la foi. Mais les affaires sont là… Et pour un moralisateur, y être confronté est un défi presque impossible. Peut-être que s’il avait eu, un temps au moins, une activité professionnelle réelle (privée ou même publique) il aurait eu une autre démarche. Mais élu député à 27 ans et ne vivre que de ses mandats locaux et nationaux pendant 40 ans… est-ce bien raisonnable ?

Benoît Hamon est assurément le dindon du système. Il n’avait rien demandé. Petit frondeur sans envergure, avec un programme plus proche des idées socialistes des années 70 que des perspectives des années à venir (taxer les transactions financières, manipuler les chiffres du déficit en enlevant les dépenses d’investissement (!), régler le problème des prisons… en les vidant, privilégier le recrutement des femmes dans les postes supérieurs de l’administration – le critère sexe primant sur la compétence -, et évidemment, dépenser à tour de bras l’argent que l’Etat n’a plus depuis longtemps) , il ne s’attendait pas à être vainqueur de la primaire. Les raisons sont les mêmes que pour Fillon : La radicalité déplace les foules. Mais les perdants de la primaire de la « belle alliance » (ça ne s’invente pas de telles énormités), ont fait exploser en plein vol un parti qui ne sait toujours pas s’il doit se considérer comme anti-capitaliste ou pas. Les oppositions sont irréconciliables. Entre Valls et Hamon, c’est un monde qui les sépare. Certes, Valls a surtout montré à quel point il était mauvais perdant. Il s’était tellement persuadé qu’il n’y avait que lui de légitime, qu’il s’est mis à haïr le pauvre Hamon sans retenue et devant les caméras… A quoi servent les primaires si c’est pour ensuite passer son temps à délégitimer le vainqueur ?

Le programme de Benoît Hamon est terriblement médiocre. Le revenu universel est une douce plaisanterie qui n’est même pas porté par les militants. Afficher comme conduite du changement, la perspective de l’oisiveté rémunérée relève d’une pauvreté intellectuelle affligeante. Le reste est vieux, gauchisant à souhait, sorti des cartons archivés depuis longtemps. La France irait-elle mieux avec un tel régime ? Qui peut le croire ?

Jean-Luc Mélenchon est l’intellectuel présumé. Du moins est-ce là ce qu’il aimerait faire croire. Pourtant, ce n’est pas la liste de ses diplômes qui nous en convaincra, ni la fulgurance de sa pensée. Certes, il a évolué depuis cinq ans, à n’en pas douter. J’avais eu à son endroit, quelques mots très durs concernant ses prises de position révolutionnaires systématiques, litaniques, surabondantes, déversées dans une logorrhée qui amusait les médias mais qui fossilisait la parole de gauche. Cette fois-ci, il cherche l’ouverture et donc doit montrer que son rouge a rosi. Il est cependant décevant sur un point : Que l’on détestât ou non ses prises de position, on ne pouvait auparavant lui refuser une vertu, celle de ne pas céder aux verbiage politique circonstanciel. Or, cette année lui est fatale sur ce point. Tout en enrobant ses discours de sa faconde inimitable, il montre que son principal travail consiste à faire de la politique, c’est à dire à se positionner pour capter des voix sans se préoccuper de cohérence ou de vertu. Désormais il ratisse large comme d’autres arpentent les boulevards.

Sur son programme, quand on le lit en détail, on est confondu par tant d’inepties grossières et dangereuses. Tout pour la dépense… ce devrait être son adage. Il croit encore à la fable économique qui pronostique que c’est par la demande que la croissance arrive. Cela n’a jamais fonctionné. En 1981, Mitterrand y a cru également… mais en 1984, le demi-tour fut radical. Dans un contexte de marge de manoeuvre budgétaire, on pourrait se laisser convaincre. Mais la dette de l’Etat est abyssale désormais. Même si le déficit annuel semble à peu près contenu (encore que les budgets ne sont pas exécutés en équilibre, et que seul un suréquilibre annuel pourrait diminuer la dette globale), le stock de la dette est vertigineux. La France va perdre de sa crédibilité sue la scène internationale à court terme. Tous les Etats ont compris qu’une entité nationale n’échappait pas à la règle comptable de l’équilibre. Pour exercer des choix politiques, il faut en avoir les moyens. Mélenchon ignore tout cela, comme toute pensée de gauche qui impose les dogmes hors-sol.

3. La conclusion est amère

Sur 11 candidats, deux sont trotskistes, soit 18% de l’offre politique, alors qu’ils représentent 2% de l’opinion.

Les 5 plus petits candidats sont ridicules. Ils aboient autant qu’ils peuvent pour compenser la légèreté de leurs idées. Le système qui les admet est coupable.

Le niveau des débats est effroyablement bas. Il ne correspond absolument pas à la position de la France comme 6ème puissance mondiale. Les candidats souffrent d’un manque de prise de hauteur qui les condamne à des propos de café du commerce. Personne n’a abordé la question du long terme. La France ne peut être gouvernée par programme de cinq ans. Il y a des décisions qui doivent être prises à des horizons bien plus longs, mais qui nécessitent au préalable, que soit discuté le devenir national. Chacun y va de son catalogue de mesures démagogiques, dans l’air du temps, marketing, racoleuses. Lors du débat à 11, ce ne fut que cacophonie. Alignés et vantant leur programme, ils me firent penser irrésistiblement aux marchands ambulants devant leurs étals, cherchant à retenir l’attention des passants par de fines phrases ciselées : « Ah qu’ils sont beaux mes poireaux ! », « Venez goûter mes fromages ! »…

Les instituts de sondage prévoient tous un taux d’abstention très élevé.

La disqualification de François Fillon

Je me contenterai de réagir à un article d’Alexis Feertchak paru dans le Figaro version internet du 5/2/2017.

Loin de moi l’idée de confondre une accusation et une condamnation. Mais les faits sont têtus… et l’affaire bien mal engagée notamment depuis l’interview de Pénélope Fillon…

On hésite entre la tragédie grecque et le pathos romantique pour qualifier la situation dans laquelle se trouve François Fillon. Acclamé par le peuple de droite lors des primaires, positionné comme la figure de l’alternance inévitable consécutive à la déconfiture annoncée d’un parti socialiste moribond, ce n’est pas du costume d’un candidat à l’élection présidentielle dont il s’est vêtu, mais directement de celui de futur président.

Et voilà que la sale affaire ruine d’un seul coup une telle prédestination.

Pour un homme politique, se faire élire est la seule source de légitimité. Quand il est possible comme dans ce cas, d’anticiper la victoire avec autant de sérénité, c’est un élixir de bonheur. La fin tragique d’une telle perspective du fait d’un événement externe est vécue comme un rapt, une dépossession inique, une trahison.

L’animal politique ne peut alors se résigner si vite. Il en appelle au peuple, invente une persécution, refuse de quitter la place en s’accrochant aux rideaux…

Et dans son for intérieur, il finit même par croire au roman de sa victimisation, comme si le fond de l’affaire ne comptait plus, comme si l’accusation de s’être s’octroyé plus de 800 000 euros de revenus supplémentaires sans cause ne devait pas avoir d’impact sur le brillant destin déjà touché du doigt.

Ce que François Fillon oublie, dans sa dramaturgie, c’est qu’il est lui-même responsable de cette situation.

 

Le rejet des politiques de gestion sans envergure

Sans préjuger des résultats du second tour de la primaire de gauche, mais en relevant simplement que les perspectives de Benoît Hamon sont assez positives, une première leçon peut être tirée du portrait type des candidats à l’élection présidentielle.

Il apparaît en effet que le corps électoral français – et sans doute est-il envisageable d’étendre ce constat à un certain nombres de pays occidentaux – cherche à promouvoir des politiques ayant un support doctrinal affirmé. Les Français sentent, sans doute confusément au regard de l’éparpillement des convictions, qu’il convient de demander aux gouvernants un peu plus d’engagement que la gestion des affaires courantes en réclame. Les propos que l’on entend parfois tels que « la mondialisation est inévitable », « la politique doit s’adapter », « on a tout essayé », « ce n’est pas de notre faute, c’est l’Union européenne »… ainsi que le pragmatisme dont font preuve tous les gouvernants qui passent (mais qui préfèrent le mot de « réalisme » pour se justifier), ne sont plus audibles.

L’absence de conviction de François Hollande (alors qu’il fut un pourfendeur idéologique en nommant ses ennemis durant la campagne de 2012), l’attitude de Manuel Valls gérant les affaires courantes sans idées directrices, au gré des circonstances et de la marche du monde, la déception créée par le peu de résultats du bilan de Nicolas Sarkozy, lui aussi très en verve pour les joutes électorales mais finalement renonçant aux réformes de fond, offrent un tableau de dix années d’immobilisme et de défaite de la pensée.

Or, les électeurs se souviennent de tout et ne supportent plus l’incapacité de nos dirigeants à maintenir un cap, appuyé sur des idées fortes. Le consensus mou, la gestion à la petite semaine ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est l’élément encourageant qui ressort de ce constat. Car il est encourageant de considérer que les Français réclament des idées s’incarnant dans leur histoire. La somnolence engendrée par la ritournelle des aveux d’impuissance a porté la France dans un état réellement inquiétant.

Certes, toutes les idées – contrairement à ce qui est prétendu – ne se valent pas. Il n’y a pas qu’une affaire d’opinion dans les choix politiques profonds qui engagent une nation de l’importance de la France. Mais, je ne veux y voir dans un premier temps – dans cette tendance du peuple à réclamer des politiques structurées par des grandes orientations sociétales – qu’une belle affirmation qu’on ne peut pas continuer à ignorer que fondamentalement, le choix politique n’est pas un choix de gestion, mais une option à dimension philosophique.

Les idées développées par Benoît Hamon sont nettement étrangères à la notion de « réalisme politique » que promet Manuel Valls pour justifier le quinquennat irréaliste auquel nous avons été confronté. Le revenu universel, à lui seul est une option qui est très fortement connotée (et je le redis, mon propos n’est pas ici de débattre de ces idées).

François Fillon a développé un programme qui est dit de rupture, ce qui n’est pas, en l’occurrence, un terme galvaudé. Il a mis en avant sa foi chrétienne, ce qui est inédit dans l’histoire politique de la Vème République, et même antérieurement.

Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il est contre le système. Sa présence à elle seule, sans l’appui d’un parti, en refusant toute entente avec le PS ou les Républicains, ses propos eux aussi de rupture, sa personnalité, lui donnent au moins en apparence l’image d’un changement potentiel radical dans le paysage politique.

Marine Le Pen représente bien évidemment l’archétype du positionnement politique structuré par des principes fondamentaux.

En regard de ces quatre figures, les Français ont aussi considéré qu’ils ne voulaient pas d’un second mandat de François Hollande, qu’ils ne voulaient pas non plus d’un retour de Nicolas Sarkozy (dont je répète qu’il faut distinguer le discours des actes), pas plus que de celui d’Alain Juppé, emblématique de la politique du juste milieu.

La marche du monde est une source d’inquiétude forte pour les nations occidentales. L’essentiel des principes qui sous-tendent les décisions politiques et qui constituent la matrice de la vie des peuples, repose sur le libéralisme économique. Débarrassé de toute autre dimension, le dogme libéral réclame toujours moins de valeurs normatives qui sont des freins au consumérisme décomplexé. Or, la vie des hommes ne peut se résumer à la seule consommation qui tiendrait lieu de principe moral et à l’épuisement de l’être dans le paraître.

Mieux vaut encore des idées contestables qui animent les débats et permettent la contradiction, que l’absence de toute idée qui annihile la grandeur de l’homme.

 

Que signifie l’élection de Donald Trump ?

L’élection de Donald Trump peut être lue de manière purement électoraliste, ainsi qu’au regard des peurs de la société. Mais ces commentaires passent désormais en boucle dans les médias. Il me semble bien inutile d’y ajouter quoi que ce soit. Ce serait de l’enfermement dogmatique… Peu importe donc les heureux et les malheureux qui se répandent sur les réseaux sociaux. Ils ne nous donnent rien de la réalité des mouvements de fond des sociétés occidentales.

Je vous propose deux articles qui essaient de prendre le champ nécessaire. C’est à une refondation philosophique que nous sommes appelés. Rien de moins…

Le premier est celui du sociologue canadien Mathieu Bock Côté publié dans le Figaro de mercredi 9 novembre et intitulé «La révolution Trump est une forme de référendum antisystème»

Le second est un article que j’ai fait paraître sur le site d’information Basting News, et intitulé « Election de Donald Trump : Une signification bien plus grande que sa dimension électorale« .

Bonne lecture.

Quand l’idée politique n’est que servitude…

On voudrait bien y croire… Mais la situation de la France ne changera pas avec les élections de 2017.

Le propre des partis politiques est de contenir l’offre à l’intérieur du cadre duquel ils procèdent. En d’autres termes, il serait vain d’attendre des programmes électoraux qu’ils abordent des questions qui sont frappées d’anathèmes doctrinaux ou écartées par le politiquement correct.

Une des spécificités de la France, est qu’elle demeure toujours sous l’emprise juridique et dogmatique de la Révolution de 1789. Bien heureusement se réjouiront les communistes ! Mais c’est ce qui précisément pose un problème fondamental. Entendons-nous bien ! Je ne suis pas en train de promouvoir le retour de la monarchie. Ce n’est pas la question. La Révolution de 1789 n’a pas aboli la royauté par principe, mais en conséquence d’un dogme construit ex nihilo durant les Lumières, et qui ne vaut que pour ce qu’il est. C’est la tabula rasa.

Il s’agit de poser l’idée que l’assemblée des députés peut (et même doit) élaborer l’ensemble des règles de la société sans aucune référence historique, sans tenir compte des us et coutumes d’un peuple que l’on entend faire sortir de force de ses habitudes et de la culture transmise. C’est la fameuse phrase de Rabaut de Saint Etienne : « L’ancienneté d’une loi ne prouve autre chose, sinon qu’elle est ancienne. On s’appuie de l’histoire ; mais l’histoire n’est pas notre code. Nous devons nous défier de la manie de prouver ce qui doit se faire par ce qui s’est fait, car c’est précisément de ce qui s’est fait que nous nous plaignons ».

Philosophiquement, on retrouve cette idée dans la définition que donne Kant de son « impératif catégorique ». Un peuple a certes besoin de règles intangibles, mais qui doivent être issues des principes définis par une philosophie érigée en un tout indépassable.

D’aucuns rétorqueront qu’il n’y avait que ce moyen pour sortir des règles de la monarchie. Tant que les ordres subsistaient, aucune véritable évolution ne pouvait advenir. Peut-être…

Toutefois, le raisonnement consistant à introduire de manière totémique une notion telle que celle de la liberté, et de s’en servir pour ensuite verrouiller toute question politique qui serait jugée contraire à la définition imposée de ladite liberté, aboutit au final à un système idéologique schizophrène.

Prenons un exemple. L’universalisme des Lumières entend donner à l’Homme un statut irréductible en lui conférant une liberté individuelle qui ne peut être atténuée que par le système judiciaire après un jugement équitable. L’idée est évidemment honorable et défendable. Mais comment alors justifier que l’on puisse s’en servir pour combattre (voire même persécuter) les individus qui entendent pratiquer leur religion ? Les Droits de l’Homme font référence à la liberté religieuse. Pourtant, depuis deux siècles, les pouvoirs publics ne cessent de vouloir « écraser la tête de l’Eglise » (la formule est de l’inénarrable Mélenchon). Qu’est-ce donc qu’une religion qui ne peut avoir aucune visibilité dans l’espace public ? Une liberté ? C’est en fait une manière commode d’extirper de la conscience individuelle l’idée même de transcendance. La liberté dont on se sert est alors l’arme du dogmatisme athée combattant les citoyens imbéciles qui croient encore à des fadaises…

A défaut pour l’Etat de laisser l’Eglise dispenser sa foi et ses dogmes librement, on a assisté à une dégringolade de la pratique religieuse et au développement de l’athéisme. C’était donc cela la grande vertu de la liberté ?

Pourtant, on est là en présence de deux conceptions du monde qui ne peuvent pas se convaincre l’une l’autre : Croire ou ne pas croire. Il n’y a aucune raison pour qu’un système idéologique qui énonce le principe de liberté, puisse ensuite prendre partie pour une des deux hypothèses.

La question islamiste a réactivé depuis peu le problème (car l’Eglise catholique a abdiqué depuis longtemps). Mais le traitement politique qui en est fait témoigne de l’impuissance manifeste de l’Etat, pris au piège des dogmes intouchables.

La théorie des Droits de l’Homme a rendu impossible le traitement de la question de l’immigration. Durant des décennies, il ne fallait pas parler du nombre d’immigrés (c’était du racisme), du communautarisme (c’était contraire à la notion de citoyen), de la délinquance (encore du racisme)… L’administration s’est abstenue de toute étude sociologique tendant à corréler des facteurs cause à des situations objectives. On a détourné la question par le discours des causes sociales des problèmes des banlieues…

Cela a abouti à la montée en puissance du Front National. Quant aux Français qui désespèrent dans certains quartiers, il n’est venu à l’idée de personne de leur demander comment ils vivaient leur formidable liberté des Lumières…

Parmi les questions interdites, il y en a une qui a un poids tout à fait considérable. C’est celle de la religion des immigrés. Depuis 40 ans, ceux qui entrent sont en effet très majoritairement musulmans. Or, cette religion n’a pas fait l’objet d’écrasement par l’Etat comme la religion catholique (interdiction des congrégations sous la Révolution, déportation de milliers de prêtres réfractaires au bagne de Cayenne, exécution sommaire… puis plus tard, interdiction de tout prosélytisme, de toute immixtion dans la sphère publique, loi de 1905 dépossédant l’Eglise de ses biens…).

Pour tout dire, le dogme de l’universalisme a conduit l’Etat a s’interdire de critiquer quoi que ce soit (le mode de vie de l’immigré, c’est sa liberté). On a préféré fermer les yeux sur les contradictions idéologiques entre le monde musulman et la conception de l’Etat… Une contradiction lourde de conséquences…

Car l’absence de contrôle des entrées, les régularisations massives de clandestins, le nombre d’étrangers devenu excessif dans de nombreux quartiers, leur absence d’intégration (autre dogme : la France ne devait pas imposer sa culture), le développement d’un communautarisme d’opposition au pays hôte, tout cela a saturé dans les faits et médiatiquement la conscience des Français et leur vie quotidienne. Le tout avec un système politique incapable de faire face à ses contradictions (gauche et droite).

L’apparition de l’islamisme arrive ainsi au pire moment qui soit. La question du voile, du burkini et de toute autre démonstration visuelle d’une pratique de l’Islam qui choque, n’aurait pas dû soulever de problème. Si l’immigration n’était pas aussi nombreuse et peu assimilée, si le personnel politique ne s’était pas laissé enfermé dans des dogmes contradictoires paralysants, le fait que quelques excentriques préférassent prendre leur bain de mer entièrement couvertes, aurait dû provoquer l’hilarité générale plutôt que l’indignation. Mais d’un épiphénomène sans conséquence (et relevant de la liberté individuelle), on en a fait un casus belli au titre même de la liberté ! Car il fallait évidemment que le discours dogmatique fût réactivé concernant les vertus de l’Etat à contraindre, fût-ce contre elles-mêmes les musulmanes à abandonner leur rites pour la laïcité jugée meilleure (mais au nom de quoi ?).

Voilà donc le fond même de l’incapacité de notre système politique à faire face aux questions de notre temps. A trop s’être arc-bouté sur des principes construits sans tenir compte de l’empirisme de l’Histoire et de la réalité de la culture du pays, nous ne sommes plus en mesure de poser les problèmes en termes objectifs. A défaut de pouvoir évoquer clairement le problème du nombre de musulmans en France, on préfère se scandaliser pour la servitude de ces pauvres femmes sous la burqa.

Mais la servitude réelle, c’est celle de ne pas pouvoir aborder les questions qui font problème par le mécanisme d’une idéologie qui encadre la réflexion… au nom de la liberté…

Et on retrouve ce système encadré pour toutes les questions de notre temps (économiques, sociales, culturelles, identitaires).

Or, je ne vois aucun des candidats potentiels ou déjà déclarés, prêts à aborder les grandes questions de notre société au travers d’une réflexion totalement libre. Tant que nous aurons une pensée serve, entretenue par une classe dirigeante ayant la même formation, et des lieux d’influence qui entretiennent le même pensée (et dont tant d’hommes et de femmes politiques font partie), rien ne pourra évoluer…

 

 

L’exercice de l’autorité s’incarne ou se déconsidère

Bruno Le Maire : « Je n’ai pas de respect pour François Hollande » (Le Figaro, 30/10/2016)

Le respect dû au titulaire du pouvoir est évidemment un devoir ex ante, qui s’appuie sur le principe de légitimité et de loyauté. Mais lorsque ledit titulaire du pouvoir falsifie à ce point la fonction et se livre à des confidences qui nuisent à l’image de ce qu’il représente (la France ne lui appartient pas ; il ne peut confondre l’incarnation d’une fonction et la subjectivité de son psychisme), il perd le droit au respect.
L’autorité procède d’une reconnaissance symbolique, du domaine du non-dit, relevant de l’intériorisation d’un système normatif. On exige des citoyens qu’ils acceptent l’autorité sans la passer au risque de leur jugement. Mais pour qu’une telle subordination puisse être acceptée, une contrepartie est indispensable : Le titulaire du pouvoir doit se livrer à sa fonction.
Que l’on ait un point de vue purement politique et stratégique (Machiavel) ou que l’on érige l’autorité à l’aune de valeurs morales (Kant) ou encore que l’on cherche à faire coïncider le pouvoir temporel avec les Commandements de Dieu (Saint Augustin), la question de l’incarnation du pouvoir reste centrale et son défaut totalement rédhibitoire.
Le livre des confidences de François Hollande s’inscrit malheureusement dans cette perspective.

Un personnel politique sous influence et sans lien avec la société

Il ne se passe quasiment plus un mois sans qu’une nouvelle affaire politique n’éclate. Celle concernant François Fillon et Jean-Pierre Jouyet témoigne du niveau délétère atteint par le système politico-institutionnel actuel.

Ce site n’ayant pas de vocation politicienne, je ne fais que rarement de commentaires sur une actualité largement relayée par les médias.

Toutefois, on ne peut pas passer indéfiniment sous silence l’extrême fragilisation de l’Etat qui résulte de ces affaires en cascades. Elles doivent nous inviter à considérer le système de gouvernance de notre pays comme irrémédiablement atteint par un mal résultant d’une dérive sociétale mortifère. Plusieurs éléments peuvent en effet être mis en avant à cet égard :

1. Le personnel politique n’a plus aucun sens de l’Etat. Ses compromis systématiques avec les médias l’ont affaibli au point d’apparaître de plus en plus comme sous influence. Majorité comme opposition se composent d’individualités dépourvues de tout esprit d’abnégation devant la charge qui incombe lorsque l’on exerce le pouvoir.

2. Les luttes intestines des hommes d’Etat ne datent pas d’hier, certes. L’Histoire nous montre qu’à toutes les époques, les enjeux de pouvoir ont occupé les grands personnages et leur ont souvent fait prendre des décisions néfastes pour l’intérêt général. Mais le système actuel, en généralisant la compétition au sein d’une classe politique surabondante, dépourvue la plupart du temps de toute morale et agissant exclusivement sous la pression du calendrier électoral, a érigé comme norme indépassable une guerre de conquête totalement déconnectée des enjeux du service de l’Etat.

3. La classe politique est composée d’individus n’ayant plus aucun contact – ou ne l’ayant jamais eu – avec la société civile. On a fabriqué des professionnels de la politique grâce au cumul des mandats et aux réélections sans fin. Cela a abouti à créer des carrières complètes basées sur un unique objectif : celui de se maintenir coûte que coûte, ou pour les plus ambitieux, à chercher la marche suivante. L’échec est inenvisageable pour des personnes qui n’on jamais eu d’autre activité.

4. La communication a pris le pas sur le fond. Le court terme est recherché pour la satisfaction de l’image instantanée qui se répand sans fin dans un monde désormais réduit au champ vectoriel de la médiatisation. Le personnel politique entretient des relations de dépendance avec les journalistes, car on n’existe désormais que par le flux médiatique.

5. L’écart entre les hommes politiques d’il y a 50 ans et ceux d’aujourd’hui interpelle sur une évolution affaiblissant sans cesse la réflexion sur les grands enjeux de société, la qualité des débats, la vision d’avenir. Les gouvernements actuels sont essentiellement composés de personnes dont la pauvreté du discours analytique est patente.

Tous ces manquements peuvent être corrigés, car ils portent en eux-mêmes les réponses indispensables. Mais la structure de l’Etat est ainsi faite qu’elle participe à sa propre inertie la rendant incapable de se réformer. Si nous ne sortons pas de cette spirale au plus vite, la société est menacée d’effondrement. Certains envisagent une fin de régime. Mais l’absence d’alternative risque de conduire au chaos.

Une analyse politique des élections européennes et une mise en perspective

Les résultats des élections européennes ont suscité tous les commentaires possibles, et le plus souvent, assez justement, d’ailleurs, quant ils l’étaient de la part des politologues et politistes. Le personnel politique, malheureusement, a depuis bien longtemps cessé de produire un discours analytique, se contentant de pétitions de principes et de stéréotypes très en deçà de la situation.

Toutefois, l’analyse des résultats, réduite à une photographie des données numériques ou à des rapports de force politiques – quelle qu’en soit sa pertinence – ne peut rendre compte à elle seule de l’importance extrême du drame qui se noue dans notre pays, de scrutins en scrutins. Mais à dire vrai, ce niveau de réflexion réclamé par un nombre toujours plus grand d’intellectuels, nécessite un profond et inusuel questionnement de la destinée de la France en tant que peuple, dans ses occurrences culturelles, historiques, intellectuelles, et en tant que nation parmi les autres nations, d’abord européenne, mais incluse dans une mondialisation dont on ne sait toujours pas s’il faut s’y résigner, la souhaiter ou s’en extraire.

Je voudrais esquisser ici quelques idées force concernant ces questions, en commençant par un commentaire des résultats.

1. Pour une lecture dépassionnée des résultats électoraux du 25 mai

Certes, il serait bien peu crédible de tenter de minorer les résultats du Front National. A 25% et 24 sièges, il est de loin le vainqueur de ces élections.

Toutefois, il convient de replacer ce scrutin dans un contexte d’analyse. Depuis au moins deux décennies, les élections européennes connaissent des résultats toujours en marge des scrutins nationaux. Deux raisons président à cela : Qu’on le veuille ou non, les élections européennes ne sont pas considérées comme de premier ordre. Les hommes politiques qui s’y présentent sont généralement dépourvus de mandat parlementaire national ; les campagnes électorales se singularisent essentiellement par un recentrage systématique des débats sur la sphère nationale ; Les électeurs eux-mêmes considèrent cette entité européenne comme lointaine et peu incarnée ; la multiplication des micro listes dont certaines frisent le ridicule, relativise encore l’enjeu. Un tel contexte favorise clairement un certain détachement, une désinvolture dans le vote, voire même une tendance au défoulement. Dès lors, il convient de prendre avec une certaine précaution les résultats – quels qu’ils soient. Du reste, le taux d’abstention toujours extrêmement élevé est un élément supplémentaire de relativisation. Le scrutin de liste supra-régional supprime toute identification des élus et contribue à une abstraction considérable. L’acte électoral ne prend pas la même importance lorsqu’il est effectué pour un candidat connu, local ou national ou pour une liste de noms souvent inconnus. La supra-régionalité ne correspond à aucune entité géographique singulière et renforce encore cette impression de peu d’importance.

A cela s’ajoute le fait que le vote de la France ne concerne que 74 députés sur un parlement qui en compte 766. A moins de 10%, l’inconscient collectif suppose naturellement (alors même que la réalité est autre) que la voix de la France sera en quelque sorte inaudible. Même s’il est entendu que les parlementaires européens ne sont pas élus pour défendre les intérêts de leur pays, les électeurs n’ignorent pas que les intérêts nationaux ne sont jamais bien loin, et que les conseils européens démontrent que les positions défendues sont le plus souvent nationales. Or, le peu d’intérêt pour une élection rend plus indifférent le résultat et plus probable le vote défouloir.

Si on agrège l’ensemble de ces données (faible participation, faible enjeu ressenti, notions européennes mal assimilées, quasi-absence de personnalités politiques de premier plan parmi les élus), les résultats ne peuvent être interprétés comme un tableau réaliste des rapports de force politiques dans l’opinion publique. Je ne dis absolument pas cela dans le but de relativiser les conséquences de la nette prédominance du Front National (comme le personnel politique a tendance à le faire de manière tout à fait déplorable). Mais la seule évocation des résultats chiffrés comme fait politique serait également une erreur fondamentale.

Au demeurant, il convient également de tenir compte des conséquences en termes de représentation des forces politiques au sein de la nouvelle assemblée. Or, le Front national est une force politique exclusivement française, contrairement à l’UMP ou au PS, que l’on peut assimiler aisément aux autres partis européens (démocrates Chrétiens, sociaux démocrates, libéraux…). Par la nature même de son identification politique, le FN représente des intérêts exclusivement nationaux.

Il s’avère même que son influence ne sera que très marginale puisqu’il ne semble pas pouvoir constituer un groupe à défaut d’être parvenu à s’allier avec le parti anglais UKIP.

La majorité au Parlement européen ne s’est donc pas trouvée modifiée par l’arrivée de contingents nationalistes de plusieurs Etats membres, puisque ce sont toujours les deux partis traditionnels du PPE (plutôt à droite) et le PSE (socialiste) qui se taillent la part du lion.

En d’autres termes, si la victoire du Front National est importante et doit nous donner l’occasion de nous interroger sur l’évolution du système politico-institutionnel français, nous ne pouvons pas en conclure qu’il est désormais le premier parti de France à la seule analyse des résultats de ce scrutin. Aucun changement n’étant par ailleurs à attendre du fonctionnement des instances européennes… on peut en conclure que le vacarme médiatique consécutif à ces résultats n’était pas réaliste.

Mais je crois que les leçons que l’on peut en tirer ne sont pas celles du champ de la science électorale. On peut en effet analyser les résultats dans une autre perspective, celle de la structuration de la nation française. Et en cette occurrence, nous pouvons alors considérer que l’évolution en cours renferme les germes d’une rupture à venir.

2. Mise en perspective des résultats au-delà du champ de la science électorale

Les scores de l’UMP et du PS signent la désillusion manifeste des Français à l’égard de formations politiques jugées de plus en plus incapables d’assurer la prospérité de la France. En effet, pour des partis qui entendent représenter l’essentiel du champ politique, obtenir de tels scores confine à l’humiliation. De scrutins en scrutins, nous assistons à la fois à une augmentation significative de l’abstentionnisme et du vote sanction, non contre un parti, mais contre un système, un personnel, une doctrine politiques.

Trop de commentateurs politiques ont encore le réflexe de se fourvoyer entre deux analyses des résultats du FN. Soit on crie au loup en évoquant les chiffres électoraux comme autant de menaces préfabriquées contre l’ordre social, la paix nationale et les institutions, en envisageant une victoire future du FN comme le début de la fin. Soit au contraire, on cherche à montrer que les électeurs du FN sont des désespérés et non des idéologues, qu’il convient en dernière analyse de convaincre de l’inanité de leur choix, que leur mauvaise humeur est à mettre sur le compte de la crise et que diminuer le nombre de chômeurs est la solution universelle.

Dans un cas comme dans l’autre, l’erreur fondamentale, à mes yeux, est de ne pas considérer le phénomène en tant que désagrégation sociétale. A force de traiter les résultats électoraux en tant que tels, sans remettre en question la capacité de la société française à produire un discours identitaire, culturel et fédérateur, à force de s’interdire d’adopter un point de vue structuraliste propre à identifier les causes intrinsèques de l’affaiblissement du contrat social, un écart est apparu entre le ressenti de la population et l’explication produite par la sphère des élites.

Durkheim découvrant la notion d’anomie dans l’explication du suicide, montre que tout individuel que soit cet acte, une corrélation existe avec l’évolution du taux de cohésion sociale. Déterminer un tel lien nécessite de s’affranchir des lieux communs. C’est le propre de la sociologie. Ce devrait être aussi celui de la science politique. Il en est de même dans l’appréciation du vote Front National. L’anomie dont la France souffre dépasse de loin la cause circonstancielle ou conjoncturelle. Elle est un affaiblissement inexorable de la confiance dont un peuple doit gratifier ses dirigeants et ses institutions. Elle procède d’une perte de repère globale.

Il n’y a plus de réponse aujourd’hui, à la question « qu’est-ce qu’être Français ? » Les politiques contournent inexorablement la question en répétant que notre identité est la démocratie, les droits de l’homme, la république, la Révolution. Non seulement cela ne nous identifie aucunement par rapport à toutes les autres nations occidentales, mais encore cette production sémantique ne vaut plus rien à l’aune d’une société privée de la structuration minimale qu’un peuple attend de l’Etat qui est le sien, à savoir, la sécurité de la vie quotidienne, les valeurs culturelles de reconnaissance entre les individus, les modes de vie infra-territoriaux différenciés et valorisés, la représentation symbolique de ce qui est positif dans l’identité nationale, la culture de l’effort de chacun au service de la communauté.

Il ne s’agit aucunement de faire l’apologie de l’enfermement du pays – il faut l’indiquer pour ne pas être mis à l’index du progressisme intellectuel – . Il suffit en revanche de considérer comment les autres nations qui nous sont proches en termes de développement, de niveau de vie, d’assise territoriale (Royaume-Uni, Allemagne…), ou sur le plan civilisationnel (Etat-Unis…) considèrent la production du discours idéologico-normatif, comment les signes de l’appartenance à une nation sont présents dans les territoires, pour se convaincre que la France a détruit l’essentiel de ce qui est le substrat identitaire d’elle-même.

Depuis la Révolution, notre pays s’est convaincu, par un discours universaliste et idéologique, que les principes philosophiques suffisaient à faire une nation, et même permettaient de rechercher par la guerre la destruction des autres formes de pouvoirs étatiques qui n’y adhéraient pas. Erreur fondamentale s’il en est. Un peuple est d’abord une somme d’individus dont la préoccupation première est leur propre vie et celle de leur proches. Or, une vie réussie, c’est une vie reposant sur des habitus, dans un cadre apaisé, avec la conscience claire de ce que l’on doit à l’Etat et le désir de lui en être reconnaissant.

Une telle évocation semble incroyable, en France, alors qu’elle est un prédicat de la conscience nationale de nos voisins et de la très grande majorité des Etats.

Les scores de plus en plus importants du Front National peuvent alors être analysés comme une réponse au mal-être d’une population déracinée de ses ancrages identitaires et culturels au profit d’un universalisme sans contenu, purement théorique et systématiquement censeur de toute spontanéité que le dogme entend extirper de la conscience individuelle par « l’éducation » et « la loi ».

C’est très exactement par cette interprétation que l’inquiétude sur l’avenir devrait être la plus grande. Car les masses déracinées sont révolutionnaires par nature.

Elections municipales : La saveur eschatologique d’un corps électoral excédé

La vie politique française semble ainsi faite que les commentaires les plus pessimistes la concernant sont toujours en dessous de la réalité.

Les années passent, les décennies s’enchaînent inéluctablement sur un désordre et une évanescence qui forcent l’écoeurement et la saturation. Les majorités se sont et se défont au gré des élections, dans une schizophrénie de la recherche d’un perpétuel au-delà inaccessible, et que la réalité ramène à sa terrible dimension médiocre d’un quotidien sans âme et sans idée.

En mai 2012, lassée par un quinquennat tumultueux, l’opinion publique voulut retrouver le calme et la rondeur d’une présidence apaisée. François Hollande n’avait de manière évidente aucune des qualités qui fondent un chef d’Etat. Certes, il est apaisant. Mais on ne gouverne pas par l’endormissement ou le statu quo. Surtout en ces temps de réforme d’un Etat totalement suranné, boulimique et en asphyxie perpétuelle. Non, il n’est pas l’homme de la situation. Et les Français n’ont guère mis plus de quelques mois pour s’en convaincre. Il a même atteint des sommets d’impopularité, comme si les échéances électorales n’étaient pas assez rapprochées, que les alternances systématiques au gré des élections ne suffisaient plus aux électeurs pour manifester leur mauvaise humeur devant le spectacle pathétique d’un pouvoir à l’agonie… fuyant ses responsabilités sur un scooter en quittant l’Elysée par une porte de service pour s’oublier dans la gaudriole.

Les présentes élections municipales ont alors été l’occasion de sanctionner cette majorité de gauche inconsistante. Et quelques résultats sont tout à fait salvifiques… détrônant des potentats locaux qui s’étaient imaginés que les municipalités ne pouvaient qu’être socialistes, exactement comme le PCF pensait, durant les années 50-80 que la couronne rouge de Paris serait immuablement communiste.

Mais avec un taux d’abstention de près de 40% et un renversement complet de majorité, moins de deux ans après la déferlante socialiste de 2012 qui avait conforté TOUTES les majorités au PS (communes, départements, régions, Assemblée Nationale, Sénat, exécutif), comment ne pas observer que ce scrutin nous renvoie le signe manifeste d’une désaffection grandissante des Français pour la politique, une défiance devant l’attitude du personnel politique, ses pitoyables mensonges électoraux, ses inconcevables reculades pour rester au pouvoir, ses abandons ou a contrario ses obstinations pour plaire à sa petite majorité ? On a voulu se consoler dans les médias, en disant que finalement, le Front National n’avait pas réalisé un score important, malgré la dizaine de villes remportée. Mais l’ancrage de ce parti, sa lente mais inéluctable poussée, sa captation d’une partie toujours plus grande des déçus des autres formations, est bien la preuve que le malaise n’est plus seulement circonstanciel, qu’il est le résultat d’un diagnostic sur l’état « médical » d’un système moribond.

Le personnel politique français n’a pas encore compris que la politique ne devait pas s’appréhender comme une carrière mais comme une charge. Il est absolument inacceptable de voir que la majorité des hommes et femmes politiques n’a jamais exercé d’autres activités et ne vit qu’aux dépens de la société en cumulant les fonctions éligibles, ou les nominations comme conseiller spécial ou à quelque emploi de circonstance dans la Fonction publique…

Il est plus que temps d’abandonner radicalement le modèle français dont on veut encore nous vanter les mérites comme pour prolonger un peu la magie de cet Etat interventionniste qui n’est au final qu’un impotent vivant très largement au-dessus de ses moyens et étouffant les Français de ses ponctions insupportables.

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Le modèle capitaliste de la mondialisation ne saurait être pris comme le totem des temps modernes. Sa déconstruction de tout idéalisme, de toute primauté des valeurs morales, pour un monde que l’on précipite aveuglément dans une course sans fin et sans but, n’a pas plus d’avenir que la médiocrité de notre système politique.

Le temps est probablement venu d’une refondation philosophique de nos sociétés, de notre modèle de développement et des structures politiques adéquates pour y parvenir. Est-ce trop demander ? Peut-être… Mais avons-nous le choix ?

 

Une question de légitimité

Quand bien même aurons-nous considéré que l’étalage sur la place publique de la vie privée de nos gouvernants – et d’ailleurs de toute personne publique – n’est pas acceptable, qu’il y a une véritable indécence à flatter le voyeurisme d’une population qui se laisse aisément manipuler par des médias cyniques et enorgueillis de leur pouvoir de nuisance (qu’ils assimilent à du pouvoir en tant que tel), il est indispensable d’y revenir pour en analyser les causes et les conséquences à l’aune d’un état de fait que l’on ne peut plus ignorer.

Un irrépressible réalisme. Sans doute aurait-on voulu que les choses fussent autres. Un monde idéal dans lequel on ne cherche pas à nuire à son voisin en propageant des rumeurs, infondées ou non. Un monde où ceux qui ont les manettes de l’information ne se prétendent pas des idéologues pourfendeurs de ce qu’ils jugent eux-mêmes comme ce qui n’est pas acceptable (d’une manière totalement subjective), mais d’authentiques transmetteurs d’informations rigoureuses, sous l’égide d’une éthique d’autant plus irréprochable que la faute journalistique peut être calamiteuse pour celui qui en est victime. Mais le monde n’est pas idéal, et son imperfection est consubstantielle à l’humanité même. Et s’il faut de temps en temps appeler de ses voeux une prise de conscience morale dans une société déstructurée, il ne sert à rien de refuser de commenter ce qui est, au prétexte que ce n’est pas ce que l’on aurait aimé que cela fût. Puisque « l’affaire Hollande » existe, autant en comprendre le sens, essayer de la remettre dans un contexte et en voir les répercussions dans la société – politique, mais aussi civile.

Un triple questionnement. Puisque l’on sait que François Hollande a bien une liaison avec l’actrice Julie Gayet (le monde médiatico-politique le savait depuis au moins une année), trois questions essentielles se posent : En tant que telle, cette affaire fait-elle sens ? Quelles en sont les conséquences politiques ? Quelles conséquences sur l’état de la société ?

Cette affaire, en elle-même, a-t-elle ou non un intérêt quelconque ? Pose-t-elle un problème in abstracto ? Nous savons très bien que les sphères du pouvoir ont de tout temps été traversées par des affaires sexuelles. Les maîtresses des souverains comme celles des présidents (et du personnel politique) sont légions dans la grande Histoire comme dans la petite, depuis l’Antiquité jusqu’à… aujourd’hui. Nous n’en ferons certes pas une vertu. Mais un tel constat universaliste ne peut être balayé du revers de la main. Il ne serait pas honnête de pointer d’un doigt rageur la faute de François Hollande, dont on fustigera son amoralisme, alors qu’il faut bien convenir qu’il n’est en rien différent des autres. Nous pouvons même convenir que François Hollande nous donne enfin une première preuve qu’il est un « président normal »… Enfin, il est évident que rien ne peut justifier de s’immiscer dans l’alcôve des personnes qui nous gouvernent, sinon lorsque les faits rapportés seraient constitutifs d’une infraction pénale. On entend de-ci de-là des commentaires indiquant qu’il est normal de tout savoir sur la vie privée des personnes que l’on élit. Je crois que c’est une erreur totale. Nous savons fort bien – car c’est un trait constitutif de notre condition humaine – que notre intimité recèle parfois des zones d’ombre, des névroses et des imperfections qui ne nous empêchent pas d’avoir par ailleurs des vertus ou des mérites sur un autre plan, notamment sur celui de la capacité à gouverner. C’est un travers de notre époque moderne que de vouloir connaître l’intimité de l’autre. Mais c’est une impasse et un moyen malhonnête de dévaloriser – par exemple – nos grands auteurs, nos intellectuels (dont on tente même d’expliquer la pensée par leur psychisme) en se répandant sur leurs faiblesses présumées. Ainsi en est-il également des hommes politiques. François Hollande n’a pas commis d’acte qui justifie que l’on en fasse les gros titres des journaux (n’oublions pas qu’il n’est même pas marié !). Mais si l’acte en lui-même est d’ordre privé, il n’en est pas ainsi des conséquences intrinsèques et extrinsèques.

L’affaire étant néanmoins lancée, aura-t-telle des conséquences politiques ? De nombreux commentaires mettent en avant l’idée que la situation politique de François Hollande risque de se fragiliser encore. Pourtant un sondage indique qu’une écrasante majorité des Français ne changera pas d’avis sur François Hollande après ces révélations. On semble oublier que la cote de popularité dudit président est tellement basse que les 85 % de Français insatisfaits… ne risquent pas de changer de position avec cette affaire. Plus sérieusement, on voit mal comment, dans une société marquée par une indifférence quasi-généralisée envers toute valeur normative, on pourrait se formaliser d’une situation tellement rendue banale dans le quotidien des Français (voir en cela l’article du Figaro de de dimanche). Cela ne signifie pas que l’on doive s’en satisfaire ! Car à la crise de légitimité politique engendrée par des positions idéologiques très contestables, s’ajoutent désormais une crise de légitimité morale. Et même si les conséquences les plus lourdes sont à ranger dans la question sociétale, il me semble bien difficile de ne pas mettre en parallèle la vie privée tumultueuse de François Hollande et sa volonté quasi doctrinaire d’ouvrir le mariage aux homosexuels. Comment oublier, par ailleurs, cette phrase mémorable de la campagne présidentielle: « Moi Président, je veillerai à avoir un comportement exemplaire » ? Oui, il y a bien crise morale, du moins doit-on le supposer… Et il serait même anormal qu’en l’espèce, cela ne soit pas. Car François Hollande ne peut plus se prévaloir d’une légitimité de chef d’État. Je le répète : ce n’est pas sa liaison qui rend les choses aussi dramatiques, mais les conséquences sur le fonctionnement de l’ Etat, en termes de choix idéologiques et en termes de dissimulation de ce qu’il est lorsqu’il voulait conquérir le pouvoir.

Mais n’est-ce pas aussi toute la société qui est trompée… et qui doit assumer les errements d’un président qui pose désormais problème ? Voici donc un chef de l’ État impopulaire à souhait, qui a perdu tout soutien de la population. Désormais acculé à recentrer sa politique notamment à l’égard des entreprises, il n’a plus de cohérence et sombre dans une logique de fragilisation de la société. Réfugié un temps dans une volonté d’inflexion idéologique quasi entêtée (mariage homosexuel et probablement très vite la PMA s’il n’avait pas été arrêté par une opinion publique défavorable), il apparaît dorénavant comme celui qui se moque de toute valeur normative, de tout principe et de toute honnêteté intellectuelle. La société doit-elle s’identifier à un tel chef ? Pouvons-nous faire confiance à une telle parole ?
Puis viennent également d’autres questions, à la fois éthiques, de bon sens, et de réalité budgétaire. Alors que la France avait déjà abdiqué sur la question de la Première Dame… qui n’était liée au président que par une fiction de titre, mais qu’elle coûtait à l’ État quatre collaborateurs, une intendance, un véhicule avec chauffeur, et qu’elle bénéficiait de tout le train de vie présidentiel, la voici défaite de tout statut. A moins d’instaurer une polygamie d’Etat, on aimerait bien savoir comment ce couple à trois, sans lien autre que celui du concubinage et de la relation cachée peut se traduire en termes d’images publiques et de fonctionnement de l’Élysée. François Hollande est-il en mesure de mettre de l’ordre à tout cela ? Un comportement amoral est bien pire qu’une situation immorale. On peut rechercher la rédemption face à la seconde. Mais le premier est une absence. Une incapacité.

Il y a une profonde lassitude à considérer ces errements et ces fautes morales. On ne peut sans cesse se mordre les doigts avec fatalisme de subir un État qui ne représente pas la population.

(suite…)